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Chronique d’un psy : « Une frustration ? L’accessibilité aux soins psychologiques »

21/08/24
Chronique d'un psy : « Une frustration ? L'accessibilité aux soins psychologiques »

Psychologue clinicien depuis l’époque où l’on prenait rendez-vous dans un agenda papier, T. Persons nous revient avec une frustration qui ne fait que grandir sur une thématique majeure  : l’accessibilité aux soins psychologiques.

En période de promesses électorales qui fleurissent comme des coquelicots dans les champs, je vous l’avoue, je suis un poil frustré par une situation particulière. La crise du COVID nous a cuisiné les psy à toutes les sauces. Les politiciens veulent nous mettre au centre de leur campagne où la santé mentale est devenue à la mode, comme les Stan Smith ou les Ray-Ban. Oh, il est cool mon psy  ! Tu en as un  ? En quelle couleur  ? Soit, on ne peut plus écouter la radio sans entendre ces pubs mal faites qui vantent les mérites des psy de première ligne. On se targuerait presque que le psy est aussi accessible que le médecin traitant...

Et pourtant, j’ai revu ce matin une patiente avec qui j’ai déjà eu plusieurs entretiens. A priori, l’échange se déroulait à merveille jusqu’à ce qu’elle m’annonce, la mine défaite, que, malheureusement, elle ne pourra plus revenir. Alors certes, il m’arrive d’être à côté de la plaque. Souvent, je questionne la personne pour savoir ce qui n’a pas été apprécié dans nos dialogues et on se quitte en bon terme. Ici, il n’était pas question d’impair, mais simplement de budget  : elle ne sait plus me payer.

"La seule variable qui peut sauter, c’est le tarif du psy"

En effet, pour certains suivis, je crois que je coûte trop cher. Je ne suis pas conventionné, chez moi on paye le prix plein, celui qui me permet de vivre décemment. Je ne brade pas mes prix, je ne fais pas de tarif social, parce qu’il m’est impossible de proposer des tarifs différents en fonction de la tête de la personne ou d’évaluer si elle est en situation de précarité. Puis, surtout, vraiment, il faut bien vivre, aussi. Malgré tout, j’essaye de trouver des solutions. Éventuellement espacer nos rencontres  ? Ça n’a que peu de sens. Proposer d’aller dans un Service de Santé Mentale  ? Une Maison Médicale  ? Un hôpital  ? Ah, il n’ont pas de place avant septembre 2024. Et les psy de première ligne  ? Plus de place, non plus. Et les mutuelles  ? Oui, non, c’est pas fameux comme remboursement. Toujours trop cher.

Vous l’aurez compris, on tombe très vite dans une impasse où, parce que le système est mal fichu, ma patiente n’aura pas droit à un suivi décent. Moi, ça me frustre, parce que la seule solution à cela, c’est de me précariser. En effet, la seule variable qui peut sauter, c’est le tarif du psy. Alors quand j’entends que l’on se congratule de l’accessibilité des psychologues, ça me démange fortement. Pour certains, le psy est disponible. Pour d’autres, si on n’a pas les sous, si on n’est pas au bon moment chez la bonne personne, on n’a pas droit à des prix abordables.

Puis, la frustration ultime, elle est venue de mon patient suivant. Lui, il n’a pas de souci à me payer le prix de la consultation. Il me dira, au détour d’une conversation de fin de séance, qu’il a eu la chance de faire quelques séances d’hypnose. C’était pas top, mais pas cher, non plus. Onze euros. La chance  ! Du coup, je m’interroge, a-t-il été voir un autre psy  ? Non, non, Monsieur T. Persons, la personne n’est pas psychologue, mais sa collègue avec qui il partage le cabinet, elle, est psy conventionnée et facture mon patient pour qu’il ne paye que onze euros. Après, entre collègues, on s’arrange. Ah. Comme quoi, si les soins ne sont pas accessibles, ce n’est pas qu’à cause d’un manque de budget, mais également de la manière dont les psy l’utilisent.

En conclusion, je radote certainement, mais comme on dit, c’est en tapant sur la tête que le clou rentre dans le mur. Croire qu’il suffit de faire de la pub pour rendre les soins psychologiques disponibles, est une hérésie. À l’heure actuelle, si la patiente ou le patient a de la chance, il tombe sur un psy conventionné qui n’a pas encore atteint ses quotas. Sinon, il prendra son mal en patience ou payera plus. Mais s’il insiste pour voir un hypnothérapeute, peut-être bien qu’il aura une place à moindre prix… Comme quoi, là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir.

T. Persons

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