Chronique d’un psy : « Aménager son cabinet »
Il est le lieu de travail de bon nombre de psychologues cliniciens et fait souvent l’objet de multiples prises de tête dans son aménagement. T. Persons s’interroge : y a-t-il une manière optimale d’aménager son cabinet ?
Il fallait me voir à mes débuts… J’étais fier comme un paon. J’avais signé mon bail de location, un montant fixe, pas de rétrocession d’honoraires scandaleuse que seul·e·s les psy peuvent encore accepter. C’était neuf, c’était parfait, c’était dans un centre pluridisciplinaire où se côtoyaient de nombreux médecins. Le bon plan ! Le hic ? Le local était auparavant utilisé pour stocker des dossiers patients. Pas de fenêtres, des néons blancs, on se serait cru dans la tête d’un téléspectateur prostré devant son talk-show de fin de journée : le vide !
Bien évidemment, le médecin coordinateur m’a rassuré : on allait le meubler, comme s’il s’agissait d’un cabinet médical. J’ai nuancé, en disant que je n’étais pas médecin tout en pensant qu’en matière de décoration, souvent, le médecin est à la décoration ce que Michel Houellebecq est à Cristina Cordula. Il fallait donc partir d’une feuille blanche, tout revoir depuis le début : la couleur, les meubles, les lumières, les décorations… Je m’y suis attelé, je me suis demandé comment positionner mon patient, qu’il soit à l’aise, qu’il puisse fuir mon regard. Il fallait quelque chose de neutre, mais en même temps, de cosy. Il fallait que cela convienne à tout le monde. Bref, le casse-tête.
"Avant tout, il faudrait que vous, vous y sentiez à l’aise"
Avec le recul de dix ans de pratique, j’ai l’impression d’avoir perfectionné mon environnement de travail. Mon cabinet est top et la plupart de mes patients ont l’air de s’y retrouver. Il faut dire, on n’est pas aidé. Il n’y a pas vraiment de manuel de décoration pour professionnels de soins de santé. On tâtonne, on essaye. On se rend compte que la reproduction du cri de Munch, ça ne passe pas trop avec les anxieux, que les slogans positifs, ça fait pas écho aux dépressifs et que la photo de famille, ça suscite plus de questions personnelles que d’élaboration chez nos patients. Puis, avec le recul, on se dit qu’on s’adapte à toutes les situations.
Par exemple, la semaine passée, on m’a demandé si mon cabinet était adapté à tou·te·s, et moi, imaginant quelqu’un débarquer en chaise roulante, j’ai acquiescé avec autant d’assurance qu’un centre-avant tirant un penalty au football. Mal m’en a pris en voyant arriver une personne souffrant d’hypocondroplasie. Ah. De fait, lorsque l’on souffre de nanisme, rien n’est adapté dans un cabinet. Je vous passe la gêne de ne pas savoir quoi faire lorsque la personne a du mal à s’asseoir dans le siège et qu’elle voit que vous hésitez à venir l’aider, tout en se disant que, si vous le faites, cela peut être violemment perçu et si vous ne le faites pas, cela peut également être mal vu. On passera aussi le regard de haut inadapté dû au positionnement de votre chaise et le fait de devoir bouger votre boite de mouchoirs pour pouvoir avoir un contact visuel avec votre patient.
En conclusion, il n’y a pas de recette magique, ou de conseils ou trucs et astuces pour meubler son cabinet. Avant tout, il faudrait que vous, vous y sentiez à l’aise. Le reste, il faudra toujours l’adapter à l’autre dans la mesure du possible, tout en se disant qu’on a peut-être plus tendance à se casser la tête que les autres professionnels de soins de santé, mais qu’au final, il serait fâcheux que notre patientèle vienne chercher chez nous le confort d’un cabinet, plutôt que le psychologue qui y exerce.
T. Persons
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