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Chronique d’un psy : « Quand le psy doute... »

15/11/22
Chronique d'un psy : « Quand le psy doute... »

Le doute est, à coup sûr, un des fondements de la science. T. Persons s’en interroge : quelle est sa place dans la démarche clinique du psychologue ? Y a-t-il un espace pour l’incertitude ou sommes-nous condamnés à devenir des êtres d’évidence ?

Il est là, il ne me quitte pas, comme une boussole calée solidement entre les côtes de ma cage thoracique. Il m’oppresse comme il me guide, il m’empêche de dormir tout comme il veille à ce que je ne devienne pas un vieux con… Mais de quoi T. Persons parle-t-il encore ? Nous décrit-t-il enfin et sans détour à quoi ressemble son tatouage « allumer le Freud » logé au creux de son pectoral gauche ? Non, diantre ! Le doute, la remise en question, le tâtonnement, l’introspection ! Voilà de quoi il s’agit !

Je me suis souvent demandé si le doute était un prérequis pour devenir psy ou si c’était notre formation professionnelle et notre pratique quotidienne de la réflexion et de l’analyse qui nous rend moins certain des choses de la vie ? Il faut dire, il y a comme un décalage, dans un système de soins de santé empreint de certitudes, de convictions et de connaissances, où il n’est jamais de bon ton de douter. Et, d’une certaine manière, je le comprends, tant je préfèrerais que celui qui doit s’occuper de ma colonoscopie soit doté d’une confiance en lui à toute épreuve, qu’il soit persuadé de ce qu’il fait et qu’il ne se mette pas à tâtonner sur le sens de la démarche à effectuer en plein milieu de l’examen. Par contre, clairement, lorsque l’on vient pousser la porte de mon cabinet, j’aime que rien ne soit acquis. Tout est possible. On peut tout questionner, il n’y a pas de jugement, il n’y a pas de certitude. Je ne sais pas à la place de l’autre. Je peux me questionner et tenter de piger la réalité de la personne en face de moi, mais jamais je n’aurais la prétention de savoir mieux que qui que ce soit, en dehors du fait qu’un ananas n’a rien à faire sur une pizza.

"Faut-il avoir une estime de soi négative pour être un bon thérapeute ?"

Par conséquent, autant j’ai le sentiment que cette démarche fait de moi un pas trop mauvais psy, autant je me dis qu’à force de questionner, j’en reviens peut-être à douter de tout. Ou alors, c’est l’inverse ? C’est parce que j’ai la propension au doute que je me suis retrouvé à user les bancs d’une faculté de psychologie ? Ah, zut. Soit. À remettre les choses en question, il est évident que souvent, le psy se retrouve dans des situations professionnelles qui dénotent. En réunion d’équipe, c’est lui qui plie, qui trouve la flexibilité, qui reprogramme son rendez-vous, là où d’autres biberonnés à la confiance en soi et à la certitude d’une efficacité absolue de leurs actions auront tendance à être un poil plus assertifs… Finalement, on peut se demander si le doute aide à avoir confiance en soi ? Les psychologues, pour être efficaces seraient-ils contraints à avoir une piètre confiance en leur capacités ? Faut-il avoir une estime de soi négative pour être un bon thérapeute ?

Bien évidemment, vous me direz que l’on peut tout questionner dans le cadre bien spécifique d’une consultation et ressortir de la séance sans pour autant fonctionner de la sorte dans le quotidien, néanmoins, j’ai le sentiment qu’il est difficile de faire la part des choses et que cela demande un effort constant et continu.

En conclusion, amis et amies psychologues cliniciens, loin de moi l’idée de me dire que si vous avez des tas d’idées arrêtées et des certitudes sur la vie, vous êtes un piètre psychologue, je tiens plutôt à souligner un autre fait : soyez confiant, en dehors du cabinet. En réunion d’équipe, positionnez-vous comme un mec de cinquante ans qui gare sa grosse bagnole dans un parking. Dans la vie de tous les jours, soyez conscient que le monde entier est souvent convaincu de son point de vue. Dans ce contexte, si la valse coûte plus d’énergie qu’elle n’en donne, il peut être pertinent d’accepter qu’on ne peut pas danser avec tous les cons de la Terre. Et puis, pour les collègues d’équipe, professionnels de soins de santé, il y a peut-être une idée à partager : si l’on regarde une échelle opposant le doute à la certitude, je me demande de quel côté on devrait placer la science. Et le dogme ? Et les croyances ? Ça donne le tournis, non ?

T. Persons

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Commentaires - 1 message
  • j'adore votre chronique, que ce soit le fond ou la forme, c'est toujours très juste!
    Et en plus c'est drôle et impertinent.
    Je me sens moins seule quand je vous lit.
    merci

    diane3107 jeudi 17 novembre 2022 11:38

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