Chronique d’un psy : « Marre d’être psychologue ! »
Alors que l’on se rend compte que les métiers de la relation d’aide ont été mis à mal ces dernières années, T. Persons nous fait une confidence : par moment, il aimerait bien ne plus être psy.
Ce n’est pas que ça m’arrive tous les jours mais, de temps à autres, il y a une part de moi qui aimerait bien se débarrasser de sa casquette de psy comme… – comment vous le dire d’une manière fleurie – …comme on tire la chasse après la grosse commission. Adieu, au revoir, je ne sais pas où tu vas atterrir, mais ce n’est plus mon problème.
On nous le dit à longueur de journée, on fait quand même un beau métier. Ça a du sens ce qu’on fait. De fait, quand on travaille dans le social et dans le soin, on peut se vanter d’être utile. C’est très narcissisant. Le problème, c’est que, justement, lorsque l’on fait un job sensé, on a beaucoup moins de légitimité à pouvoir se plaindre. Or, sachez-le, il y a des jours où être psy, c’est le pire métier du monde.
Je ne parle évidemment pas de la charge administrative, de la comptabilité, des rapports, des essais de communication avec d’autres professionnels, du travail en réseau et de toutes ces joyeusetés qui nous éloignent souvent de la clinique. Non, des fois, je me retrouve dans des situations où j’entends l’inentendable, où je comprends ce qui, pour d’autres, est incompréhensible. Écouter activement la détresse des gens, c’est usant.
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Alors parfois, quand sur une journée, j’ai ma patiente de dix heures qui ne percute toujours pas que son mec est une ordure de la pire espèce à classer entre Vladimir Poutine et Ted Bundy, et que j’enchaine l’après-midi avec mon patient dépressif qui s’enlise tellement profondément dans le noir, qu’on a envie de le secouer comme une machine à snack qui n’a pas délivré la barre chocolatée pour laquelle on a payé, j’avoue, j’ai envie d’autre chose.
"L’être humain est-il fait pour écouter la détresse de ses congénères ?"
Le problème, quand on est psy, c’est qu’on n’a pas beaucoup d’alternatives. J’aimerais bien, du jour au lendemain, décider que j’arrête l’ensemble de mes activités de psy pour tenter de vivre décemment de ma plume virevoltante. Puis, je réfléchis deux minutes et je me dis que mes bafouilles sont à l’art d’écrire ce que Cindy Sander est la chanson française, et que si je veux remplir mon frigo autrement qu’avec du vent, va falloir penser à un autre plan de carrière. Et c’est vrai que les psy, souvent, ça ne sait pas faire grand-chose d’autre…
Du coup, quand ça m’arrive, je me pose la question : est-ce réellement ma fonction qui est usante ? Est-ce moi qui dysfonctionne ? L’être humain est-il fait pour écouter la détresse de ses congénères ? Souvent, je fais le tour de la question en essayant de trouver quoi faire d’autre. Et au bout d’une bonne heure, je me dis que finalement, il n’est pas si usant que ça mon métier. Puis, vraiment, je l’aime bien mon job. Non ?
En conclusion, certes, la psychologie clinique n’ouvre pas la porte à un échantillon impressionnant de pistes pour qui est usé par le quotidien de la clinique. Quand le ras-le-bol me prend, je me dis qu’il faut peut-être que je lève le pied. Puis, au fond, on fait vraiment quelque chose de sensé, non ? Imaginez, si c’était inutile et usant ?
T. Persons
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