Chronique d’un psy : « À propos du secret professionnel partagé »
Les psychologues cliniciens sont souvent au centre de la confidence mais partagent rarement leurs informations. T. Persons revient sur le secret professionnel partagé, ses atouts, ses limites.
Il y a des jours où, dans notre métier, on se sent un peu seul. Vous voyez ? Quand une information fort croustillante, que le patient de la 603 vous a confiée au détour d’une consultation matinale, ne vous quitte pas. Vous voudriez en parler, dans la salle commune, avec une infirmière, le médecin ou l’assistante sociale. Vous en rigoleriez, certainement. Ça ferait de vous une personne fort sympathique, au lieu de cette espèce d’olibrius qui s’habille de noir et que l’on confond maladroitement avec le prêtre du service pastoral. Pourtant, l’information sera, en principe, tue. Même entre psy. Enfin, ça, c’est en théorie. Parce qu’en pratique…
Les psychologues cliniciens sont amenés à échanger des informations. En effet, il y a des tas de situations où le patient passe de psy en psy. Qu’il s’agisse d’un bilan chez le neuropsy, d’une prise en charge à l’extérieur de l’hôpital, d’une thérapie de couple, ou d’une consultation pour un point très précis qui nécessite l’avis d’une consœur ou d’un confrère spécialisé. Vous me direz qu’ici, il n’est pas question de quolibets, ni de ragots, mais d’informations cliniques qui pourraient nourrir le suivi avec le patient. Or, en terme de secret professionnel partagé, du haut de ma petite expérience, j’ai déjà vécu des situations fort différentes.
Trouver un parfait équilibre entre secret professionnel et collaboration d’équipe...
Il y a tout d’abord, ceux qui n’en ont cure. Que vous soyez psy ou pas, que l’info soit pertinente ou futile, on dit tout. De vraies pipelettes qui finalement, sous couvert de se considérer comme le porte-voix du patient, sont aussi discrets que le collecteur de métaux qui beugle dans son mégaphone dans les villages de Wallonie. De l’autre côté du prisme, il y a ceux qui ne pipent pas un mot. Rien, nada ! Muets comme une tombe, se cachant derrière l’importance du secret professionnel. Aucune information ne transite par eux, même avec l’accord du patient, du code de déontologie, voire même la bénédiction de tonton Freud, on ne dit rien !
Vous me direz, entre les deux, se situent la plupart des psy. En effet, il est de bon ton de se poser la question de ce que l’on divulgue, et à qui, mais également sous quelle forme. On est dépositaire des secrets que le patient nous confie. En est-on le garant ? Oui, mais pas uniquement. Il y a le patient, là-dedans qui a son mot à dire. Trouver un parfait équilibre entre secret professionnel et collaboration d’équipe n’est pas aisé et j’ai le sentiment qu’en cas de doute, le mieux, c’est toujours de revenir vers le patient pour voir ce que lui, il en pense. Après, est-on jamais à l’abri de pervers ? Et on fait quoi quand il y a un vrai danger ? C’est quoi un danger imminent ? À partir de quand suis-je réellement tenu de briser le secret ?
En conclusion, il y a un code de déontologie, il y a également un code pénal, mais il y a surtout de nombreux psy qui ne sont pas au clair avec leurs devoirs et leurs obligations. Finalement, il n’y a pas de pense-bête ou de règle claire. D’autres diraient que l’interprétation du code de déontologie est beaucoup plus complexe que celui du code de la route. Ce qui est certain, c’est qu’il est compliqué de réfléchir seul. Quand j’ai un doute, quand je me sens seul, je vais voir mon superviseur, j’en discute avec mon union professionnelle, mais je ne reste pas seul dans mon coin à me dire que je ne peux parler à personne de ce qui me pose question.
T. Persons
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