Chronique d’un psy : « Quand on a un cabinet chez soi »

Cette semaine, T. Persons nous parle d’une particularité propre à certaines professions libérales : la possibilité d’avoir son cabinet au sein de son domicile.
Des fois, il me prend l’idée de me dire que ce serait quand même sympathique de travailler depuis ma maison. D’y avoir un petit cabinet tout modeste, où je pourrais recevoir mes patients et vaquer à mes occupations en cas de désistement ou préparer le repas à une heure décente sans devoir affronter le ring de Bruxelles pour rentrer chez moi. Je me dis que, en fait, ça serait quand même plus simple, voire plus aisé d’avoir une proximité entre mon privé et mon professionnel, de les voir s’entrelacer comme Scarlett O’hara et Rhett Butler dans Autant en emporte le vent, fusionner sans y mettre trop de langue, tout en restant chacun à sa place, avec un peu de fougue mais sans omettre certaines limites.
Dès lors, je me suis renseigné auprès de certain·e·s ami·e·s psychologues en me demandant quels étaient les points positifs à retenir d’une telle pratique et quels étaient les écueils dans lesquels on pouvait aisément tomber. À première vue, la crise sanitaire nous a ouvert la voie de la télé-consultation, à domicile. Et bien qu’elle ait été salutaire, permettant à bon nombre de psy de consulter en pyjama, elle a vite trouvé ses limites dans certains cas. En effet, c’est comme si, vu qu’on est à la maison, on peut se permettre d’être un peu plus flexible sur nos horaires. On peut plus facilement déborder, consulter à des heures où l’on s’était promis de ne jamais le faire. D’une certaine manière, il se passe peut-être quelque chose de similaire, lorsque l’on consulte chez soi. Il n’y a plus de flirt entre le privé et le professionnel, mais une fusion aussi agréable qu’une chique collée sous la semelle de votre chaussure.
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Sachant que derrière la porte du cabinet, il y a le domicile du psy
Et puis, consulter à domicile, c’est accepter de ramener l’ensemble de ses patients chez soi. A-t-on vraiment envie que les borderline, les psychotiques ou les dépendants affectifs de notre consultation puissent squatter notre trottoir, sachant que derrière la porte du cabinet, il y a le domicile du psy ? Vous me direz qu’on ne travaille pas tous avec des psychotiques, des pervers ou des sociopathes mais malgré tout, il faut être à l’aise avec l’idée de rendre plus facilement disponible des informations sur notre vie quotidienne.
En effet, soit on a l’occasion de très bien faire les choses et de scinder l’endroit où l’on vit de l’endroit où l’on exerce par trois sas de protection hermétique au bruit, soit il faudra accepter que de temps à autres, vos patients puissent tomber sur vos pantoufles, sur les jouets de vos enfants ou qu’ils puissent entendre de manière fortuite la voix inimitable de la personne qui partage votre vie chantant à plein poumon sous sa douche une chanson que le début des années 2000 a tenté en vain de refouler.
En conclusion, il est évident qu’avoir un cabinet à la maison offre un luxe en termes d’énergie sauvegardée. Il n’en reste pas moins qu’il faut se sentir suffisamment à l’aise avec la population qui vient nous consulter et surtout, être le plus flexible sur son cadre, tout en prenant soin de ne pas faire concorder vos entretiens avec les douches de votre moitié si elle a tendance à chantonner du K-Maro, du Brandy ou du David Charvet.
T. Persons
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