Le service communautaire, une pratique qui pose question

Quels sont les bénéfices du service communautaire pour les associations, les bénéficiaires, les travailleurs sociaux et les demandeurs d’emploi ? Cette pratique dévoie le sens même du volontariat et pose de nombreuses questions éthiques, mais aussi pratiques.
Le volontariat est autorisé aux bénéficiaires du RIS depuis de nombreuses années. Récemment, le voici institutionnalisé en « service communautaire ». Devenu partie intégrante du PIIS, il peut donc en théorie être appliqué et conditionner l’obtention ou le maintien de l’aide sociale. Quels en sont les bénéfices pour les différents protagonistes et que craindre de cette mesure ?
Les associations
En tant que travailleuse sociale dans une petite association, je suis bien placée pour savoir que nous manquons cruellement de volontaires, qui sont indispensables à la poursuite de nos missions. Cette situation est vécue par toutes les petites associations, qui, d’un point de vue strictement pratique, seraient bien en peine de refuser de potentiels volontaires. Pourtant, elles n’ont aucun bénéfice à retirer d’une telle mesure.
Sur le terrain
Accueillir un nouveau collègue volontaire requiert du temps : le temps de l’accueil proprement dit, de la définition de son projet en tant que volontaire et des attentes de l’institution, mais aussi le temps de la formation, de l’intégration, du suivi … C’est un investissement conséquent pour l’association et ses travailleurs. Si, dès le départ, le volontaire ne l’est pas, alors la donne est faussée et cet investissement devient inutile. Pire, le travail quotidien de l’association peut pâtir de ces « volontés contraintes ».
Quid de la contrainte ?
Si le PIIS est obligatoire pour tous les nouveaux usagers, le service communautaire ne l’est pas, mais il existe et il peut être appliqué. Et il n’a rien à voir avec du volontariat qui, selon sa définition légale, doit être librement consenti. Or, même si on ne contraint pas un usager du CPAS, on sait que les rapports de force entre celui-ci et le CPAS ne sont pas égalitaires. Refuser une proposition de service communautaire peut être un exercice dangereux.
La difficile position du travailleur social
Certains CPAS se sont clairement positionnés en défaveur du service communautaire. D’autres pas. Et certains autres l’appliquent, malgré une position officielle négative. Même si le travailleur social dispose d’une relative autonomie dans les formes que prennent son accompagnement, il reste malgré tout tenu d’obéir à certaines dispositions prises par sa hiérarchie. Qui plus est, pour certains, le service communautaire représente une opportunité d’insertion sociale … Là où l’exercice devient délicat, c’est lorsqu’il s’agit de proposer cette option uniquement à un bénéficiaire qui l’aurait de toute façon choisie.
Travail forcé
En effet, d’un point de vue éthique, il ne peut en être autrement, sinon il s’agit bel et bien de travail forcé. Le même que celui que nous avons connu dans les « workhouses » d’avant-guerre. On pourrait même pousser la logique un peu plus loin et comparer cela à de l’esclavage, ou craindre que ce service communautaire remplace petit à petit certains emplois salariés. Dans tous les cas, le simple fait qu’il soit inscrit comme une potentialité représente un dommageable pied dans la porte : de possible, il peut devenir automatique, puis obligatoire. Il y a des raisons pour lesquelles le volontariat se doit impérativement d’être librement consenti.
MF, travailleuse sociale
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