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Travail social : le syndrome du super-héros

24/09/24
Travail social : le syndrome du super-héros

Syndrome du super-héros, du sauveur, peu importe comment on le nomme, il nous pend au nez ! Après tout, nous n’avons pas choisi de devenir travailleur social pour gagner de l’or en barre, avoir un super statut social, un boulot prestigieux et une voiture de fonction. Non, nous avons choisi de devenir travailleur social pour aider l’autre. Or, qui dit aider l’autre dit… attention à la dérive, à la tentation de vouloir le sauver !

Le triangle dramatique

Cette figure, développée par Stephen Karpman, est un élément phare du courant de l’analyse transactionnelle et décrit très bien un jeu psychologique assez courant notamment dans les relations d’aide. Le propre de ce mécanisme de triangle dramatique c’est que tant qu’on ne se rend pas compte du jeu que l’on joue, on ne peut pas faire un pas de côté pour le briser, et on y reste bloqué, empêchant la situation d’évoluer. Ce faisant, on ne fait pas notre travail, mais l’exact opposé !

Sauveur - Persécuteur - Victime

De manière très succincte, la Victime appelle à être prise en charge, se sent impuissante, incapable et démunie. Elle minimise ses ressources et capacités, se sabote. Le Sauveur, quant à lui, a besoin de se sentir indispensable, il surprotège, contrôle, se sent responsable de l’autre, voire se sacrifie. Le Persécuteur critique, contrôle, punit, se venge. Selon ce schéma, si une personne endosse un des rôles, elle entraîne l’autre à jouer un rôle complémentaire.

Lire aussi : Burn-out des sages-femmes : "Sortir de l’image de la super-héroïne !"

Un jeu psychologique qui se joue à deux

En effet, le triangle dramatique est un jeu psychologique qui se joue à deux. Un exemple assez fréquent est de voir un bénéficiaire endosser le rôle de Victime, le travailleur adopter celui de Sauveur et déployer de multiples stratégies de sauvetage.

Sauf que malgré tous ses efforts, la Victime n’embraye pas. Le Sauveur passe alors en position de Persécuteur, reprochant à la Victime son immobilisme, voire son auto-sabotage. Il peut même y avoir épuisement du travailleur, rupture de la relation, passage de la Victime en position de Persécuteur, cette dernière pouvant harceler le travailleur afin d’obtenir aide et attention. Et le cercle vicieux de continuer.

S’analyser sans concessions et connaître ses propres tendances

Tout comme il est aisé d’entrer dans ce triangle, il est possible d’en sortir. Tout d’abord, il importe de bien se connaître et de s’analyser sans concessions afin de reconnaître sa propre tendance à endosser le costume de Sauveur, dans certaines situations. En effet, il est assez fréquent dans nos professions.

Qui plus est, s’il n’y a pas de Sauveur, il n’y a pas de Victime et donc, pas de triangle. Nous ne pouvons pas agir sur le rôle que jouera le bénéficiaire avec qui nous travaillons, en revanche, nous pouvons agir sur notre propre position au sein de la relation. Ignorer les appels du pied à enfiler le costume du Sauveur nous préserve de bien des errements relationnels. Pour ce faire, à nous de bien connaître nos tendances naturelles. Et de nous offrir le luxe d’une supervision.

Ode à la supervision

Actuellement, les supervisions ont de moins en moins la cote : elles coutent cher, prennent du temps, etc. Pourtant, elles sont indispensables, surtout dans le cas de travailleurs agissant en tête à tête avec leurs bénéficiaires. Les réunions d’équipe aident à décoder des situations, mais selon les lieux de travail, elles peuvent être surchargées, trop peu nombreuses, en équipe trop étendue etc. Une supervision est une aide précieuse : un espace-temps dédié à l’analyse de cas avec un professionnel expérimenté. Elles permettent de faire un pas de côté, de décoder des situations comme ce fameux triangle dramatique.

Lire aussi : Comment fermer la porte du boulot une fois rentré chez soi ?

Développer le pouvoir d’agir pour sortir du schéma

Sortir du schéma, c’est sortir des réponses propres à chaque rôle du triangle. En l’occurrence, sortir de la position de Sauveur, c’est accepter qu’on n’est pas responsable de l’autre et que notre travail n’est pas de lui apporter des solutions.

La Victime, qui minimise ses capacités et ressources et qui manque de confiance en elle, a besoin de prendre conscience de ses propres ressources, capacités et limites afin de gagner confiance et estime. Le Sauveur a, quant à lui, besoin de prendre confiance dans les capacités des autres, d’apprendre à dire non, à poser et respecter ses limites.

Lire aussi : Développer le pouvoir d’agir des travailleurs sociaux : pourquoi, comment ?

Pour ce faire, au travailleur de se placer au niveau du bénéficiaire et de cheminer avec lui à mesure de sa prise de conscience de son problème et de ses ressources. Au travailleur aussi d’aider la personne à développer son pouvoir d’agir. Et d’accepter, avec humilité, que nos analyses et solutions ne sont pas forcément la réponse attendue, même si c’est ce qui est ouvertement demandé.

MF - travailleuse sociale

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