Rémunération : travailleur social, combien tu vaux ?

Derrière cet intitulé volontairement provocateur, c’est un sujet tabou que je me propose d’aborder avec vous aujourd’hui. Celui de l’argent. De la valeur de notre travail, celui que l’on gagne chaque mois en étant salarié ou à chaque prestation lorsqu’on est indépendant. Dans notre secteur, contrairement aux autres, l’argent n’a pas bonne presse, ce n’est pas un sujet qu’il est de bon ton d’aborder.
Récemment, et parce que je cherchais à changer de boulot, j’ai eu l’occasion de passer plusieurs entretiens d’embauche. Lors de l’un de ces entretiens, on m’a demandé quelles étaient mes prétentions salariales. Une fois n’est pas coutume, je suis restée coite. Il faut dire que ce n’est pas une question qui se pose habituellement dans nos boulots, ni même dans notre secteur. Parler d’argent quand on travaille dans le social fait mauvais genre, sauf peut-être à certains niveaux de responsabilités.
Un sujet tabou
Mais au fait, pourquoi ? À bien y réfléchir, les négociations salariales existent partout et de tous temps. Dans de nombreux secteurs, c’est un rite normal et courant au moment de l’embauche et plus on monte dans l’échelle hiérarchique, plus elles sont ardues. Chez nous, c’est un peu le contraire. On évite d’en parler et lorsqu’on le fait, c’est souvent une fois le processus d’engagement bien entamé. Bien entendu, au fil des années, et hormis les indexations salariales ou augmentations automatiques liées à l’ancienneté, le salaire se renégocie rarement, sauf peut être dans les administrations publiques. Pourtant, les fonctions évoluent, et souvent vers une augmentation des responsabilités.
Le temps de la charité n’est pas si loin
Alors pourquoi cette réticence, ce tabou ? Je ne prétends pas détenir de réponse, mais uniquement quelques réflexions … Tout d’abord, il fut un temps pas encore si lointain où le social était oeuvre de charité. Dans bien des lieux, institutions, mais surtout associations, il l’est d’ailleurs encore. Parler d’argent n’est pas ancré dans notre « culture d’entreprise », comme si notre travail n’avait pas de valeur marchande. Pourtant, c’est ce que nous faisons : mettre au service de notre employeur notre force de travail, nos compétences et connaissances contre rémunération.
Une question de genre
Le secteur est encore largement féminin et ce n’est pas pour rien : on enseigne plus volontiers aux petites filles, et donc aux femmes à « prendre soin de » . Et même si les mentalités évoluent, cette évolution est lente. Inutile de s’appesantir sur les discriminations salariales dont sont victimes les femmes, elles sont bien connues aujourd’hui. Et si à cela on ajoute le fait de travailler dans un secteur « typiquement féminin », pour y exercer une profession qui, malheureusement parfois, ne va pas être reconnue comme un métier qui a de la valeur, on peut comprendre les (trop) lentes évolutions salariales du secteur.
Le parent pauvre
Le social est aussi le parent pauvre de l’Etat. Nos emplois sont en général subventionnés, étant donné que nous travaillons dans un secteur qui n’est pas supposé générer de richesse, s’agissant plutôt d’apporter une aide à la personne. Or, depuis trop longtemps, l’Etat délaisse le secteur social, préférant investir l’argent de la collectivité autrement que dans le soin à cette même collectivité. Par ailleurs, des disparités énormes existent dans les « sous-secteurs » du social. En effet, d’une commission paritaire à l’autre, selon que l’on travail dans le « non-marchand », le secteur hospitalier, la fonction publique, etc. Les différences de rémunération seront parfois énormes, pour des fonctions et des niveaux de responsabilités similaires.
Une question bien légitime
Pourtant, à l’heure où il devient de plus en plus compliqué de remplir son caddie de courses, sans même parler de son réservoir d’essence, cette question « Combien tu vaux ? », ou plutôt « Combien vaut ton travail ? » a de plus en plus droit de cité, voire même devient une urgence pour certains.
MF - travailleuse sociale
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