Travail social : « Leçons et conseils tirés de mes expériences dans différents secteurs »
Je suis éducatrice spécialisée et une de mes particularités, c’est que je n’ai jamais travaillé en tant qu’éducatrice au sens strict. J’ai toujours été engagée pour exercer des fonctions un peu hybrides, remplissant tantôt un rôle d’éducatrice, d’animatrice, de travailleuse sociale, oscillant entre gestion de projets, de partenariats, d’équipes, etc. Le tout, au sein de pas mal de secteurs. Petit tour d’horizon.
Accueil de demandeurs d’asile et suivi social
Au sein de ce centre, nous étions tous un peu couteaux suisses, même si chacun d’entre nous avait des fonctions attitrées. En l’occurrence, j’avais été engagée pour assurer le suivi social des demandeurs d’asile, donc le suivi de leur procédure de demande. Un défi, lorsqu’on sait à quel point cette dernière peut être technique, complexe. Un défi d’une autre nature pour moi, à l’époque jeune travailleuse peu à l’aise dans les relations formelles autour d’un bureau. Un excellent apprentissage en termes de dynamiques de groupes, de gestion des conflits. Une immense leçon d’humilité et d’humanité.
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Animation avec un jeune public
Dans un tout autre registre, j’ai été animatrice pour un public d’enfants et, occasionnellement, d’adolescents. J’ai dû apprendre à composer avec la rigidité d’une structure publique, les procédures paralysantes et les règlements omniprésents. Pas une mince affaire dans une telle fonction, ce qui peut être assez épuisant !
Sur le terrain, c’était aussi un beau défi pour moi, peu habituée à jouer de mon côté foufou. Cette expérience fut une mine d’or en termes d’apprentissages liés à la gestion de groupes, à l’animation proprement dite, aux techniques créatives, mais aussi à l’organisation et à la planification. Sans oublier le grand écart de l’adaptation aux différents publics et aux multiples casquettes requises par la fonction.
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Logements (a)sociaux
J’ai aussi connu le travail en société de logements de service public. Une assez étrange plongée dans l’univers d’une intercommunale qui se donne des airs d’entreprise privée. La découverte aussi d’un univers social qui ne l’est pas tout à fait, où la place et le rôle du travailleur social peuvent être assez inconfortables.
J’y ai appris la nécessité de lire entre les lignes, de décoder les attentes de l’employeur, celles qui ne seront pas forcément verbalisées. J’ai aussi appris à revenir à mes fondamentaux, mes propres valeurs, à conserver ce gouvernail bien ancré et bien en vue, à y revenir régulièrement. J’avais déjà appris de façon douloureuse à poser et respecter mes limites, cette expérience a été l’occasion de la mise en pratique.
Logements plus sociaux
J’ai travaillé dans l’aide à la rénovation de logements pour et avec des personnes en situation de précarité. J’y ai côtoyé des collègues aux profils variés : techniques, administratifs, bénévoles, etc. J’ai appris à m’adapter à cette variété, à sortir du moule de la pluridisciplinarité habituelle aux travailleurs sociaux.
J’ai aussi appris à bricoler, dans tous les sens du terme : faire toujours plus avec toujours moins de moyens, bricoler des solutions sans un sou, faire avec l’inconfort de l’insécurité. J’ai vu les conséquences concrètes des écarts monstrueux de financements : entre gaspillage de moyens et ailes coupées. J’ai aussi eu l’occasion de voir les effets d’une aide concrète, basique, touchant au foyer, sur les personnes qui la reçoivent, et c’est magique. Jamais un boulot n’avait été aussi gratifiant. Comme quoi, et pour paraphraser Maslow, il y a urgence à combler les besoins basiques, avant quoi que ce soit d’autre.
Ce que j’en retiens, en général
Peu importe le secteur et peu importe la fonction, en premier lieu, il est nécessaire de comprendre le cadre de travail et ce qui est attendu du travailleur par l’employeur et par les bénéficiaires (spoiler : c’est rarement la même chose). Il convient également de savoir ce qu’on attend soi même de ce travail et de connaître nos valeurs.
Ensuite, à voir si toutes ces attentes peuvent se rencontrer quelque part, à un moment donné et si oui, de quelle manière. Et enfin, quelle est la marge de liberté possible ? Aucun boulot, aucun secteur n’est idéal, mais tous ont quelque chose à nous apprendre, à nous apporter, même si parfois, on ne s’en rend compte que rétrospectivement.
MF - travailleuse sociale
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