Educateur spécialisé : à quand la reconnaissance du titre ?
Lorsque j’ai été diplômée, en 2005, on nous assurait que la reconnaissance et la protection de notre titre d’éducateur spécialisé allait bientôt être effective. Ça devait être une vieille blague ou faire partie d’une sorte de bizutage de nouveaux diplômés car plus de 15 ans après, ce projet en est encore au stade de doux rêve. Pourtant, ça ne doit vraiment pas être si compliqué que ça : protéger l’exercice d’une profession, en restreindre l’accès aux seules personnes qualifiées pour l’exercer.
[DOSSIER]
– Educateur spécialisé : toujours mal considéré...
– Educateur spécialisé 2.0, un être hybride
Ce n’est pas faute de grogner, de râler ou d’exiger. Moult démarches ont déjà été entreprises au fil des ans, aussi bien par des individus ayant réussi à fédérer de nombreux confrères, que par des fédérations. Certes, le secteur n’est pas particulièrement bien représenté, et force est de constater que les organismes qui désirent le représenter finissent en général par s’essouffler au bout d’un certain temps. Pourtant, au risque de me répéter, réserver l’exercice d’une profession aux seules personnes qualifiées n’est pas chose complexe, et une fois que la volonté politique y est, cela peut même être rapide. On l’a vu récemment avec la fonction de psychothérapeute.
Une fonction mal considérée
Alors pour quelles raisons notre monde politique fait-il la sourde oreille aux demandes répétées et continues du secteur pour que la profession soit enfin protégée ? Peut-être parce que cette demande ne semble ni importante ni prioritaire. Après tout, éducateur spécialisé est une fonction qui est souvent mal considérée et peu reconnue, en ce compris au sein même des institutions sociales. Lorsque, en consultant les offres d’emploi, on constate que l’on cherche à embaucher, pour un poste d’éducateur, des personnes aux profils aussi variés qu’assistant social, psychologue, logopède, on peut aisément en conclure que la fonction d’éducateur ne requiert pas nécessairement, aux yeux de ces employeurs, de qualifications spécifiques pour être exercée.
Et peu reconnue au sein même du secteur
À partir du moment ou, au sein même des institutions qui les engagent, les éducateurs ne peuvent prétendre à être reconnus dans l’exercice de leur fonction, à être considérés comme une profession à part entière et voir leurs compétences spécifiques respectées, comment cela peut-il être le cas à un échelon décisionnel supérieur ? À partir du moment où les postes d’éducateurs sont brigués par une cohorte d’assistants sociaux, de psychologues, de logopèdes, … cela ne marque-t-il pas une approbation tacite de la situation de non-reconnaissance de la profession d’éducateur ?
Pourquoi une formation spécifique ?
Pourtant, nous, éducateurs, étudions 3 ans en école supérieure, ou avons un cursus spécifique en école secondaire. Il faut donc croire qu’à un moment donné, il a été estimé nécessaire de nous offrir une formation spécifique pour exercer notre métier. Pourquoi mettre en place une telle formation, un tel cursus, si c’est pour ensuite permettre à tout qui le désire de postuler et d’être engagé en tant qu’éducateur. À quoi servent donc ces années de formation coûteuses, à la fois pour l’étudiant et pour l’Etat ? Et les institutions scolaires n’ont-elles pas un rôle à jouer dans la quête de protection du titre qu’elles délivrent au terme de ce cursus ?
Notre voix porte-t-elle assez loin ?
C’est peut-être aussi là que le bât blesse : la voix des éducateurs porte-t-elle assez loin ? On le sait, et on le voit au quotidien dans l’actualité : seul ce qui est crié et largement relayé existe aux yeux du monde politique. Les fédérations d’éducateurs spécialisés sont essoufflées, voire inexistantes. Cette profession est exercée au sein de tellement de secteurs qu’en termes de représentations syndicales, on s’y perd un peu. Et les éducateurs eux-mêmes peinent à s’organiser en termes de représentation globale. Le tout combiné à un monde politique aux arcanes floues, complexes et labyrinthiques pour le non-initié fait qu’il est difficile de se faire entendre, surtout lorsqu’on n’a pas ou peu de soutien du reste de son secteur.
MF - travailleuse sociale
[De la même autrice] :
– Educateur spécialisé 2.0, un être hybride
– Précarité du travailleur social : et si on en parlait
– Travailleurs sociaux : non prioritaires ?
– Educateur spécialisé : toujours mal considéré...
– Travail social : déceler un manipulateur et s’en protéger
– Travailleur social : (se) motiver au changement
– Le non-marchand, encore et toujours oublié de la crise
– Travailleur social : astuces pour mieux communiquer, malgré le masque
– "Être éducateur dans une société en crise"
– Le non-marchand, oublié du (dé)confinement
– Patients psychiatriques, détenus, personnel : les oubliés de la crise
– Coronavirus : travailleur social en télétravail ?
– Coronavirus : quand nos hôpitaux en sont réduits à mendier...
– Gare à la surenchère dans l’offre de services sociaux
– Toujours en burn-out malgré les vacances...
– Vivre un deuil au travail
– De l’injonction à la résilience chez le travailleur social
– Éducateur spécialisé, le parent pauvre
– L’hypnose, un formidable outil pour le travailleur social
– Travailler en réseau : bénéfices et difficultés
– Les travailleurs sociaux sont-ils tous sur un pied d’égalité ?
– Travailleur social : gérer la lassitude professionnelle
Commentaires - 6 messages
Ajouter un commentaire à l'article