Educateur spécialisé 2.0, un être hybride
De plus en plus, les professions du social sont regroupées sous l’appellation unique, volontairement vague et floue de « travailleur social ». Educateur spécialisé, assistant social, psychologue, parfois ergothérapeute, logopède … des métiers dont, dans certains milieux professionnels, on oublie les spécificités, au point de demander à l’un d’endosser le costume et le rôle de l’autre. Des travailleurs de qui on exige de plus en plus de devenir des couteaux suisses de l’aide à la personne, des êtres hybrides.
– Notre rubrique "fiche métier" dédiée aux professions de la santé et du social
[DOSSIER]
– Educateur spécialisé : à quand la reconnaissance du titre ?
– Educateur spécialisé : toujours mal considéré...
Il y a quelques années, les professions du social étaient nettement définies : l’éducateur accompagnait dans le quotidien, l’assistant social au niveau de l’administratif, le psychologue proposait une thérapie, l’ergo aidait à la rééducation etc. Dans certains secteurs et au sein de certaines institutions, ces définitions existent encore. Ce n’est pas le cas partout, et l’on voit naître une fonction plus vague de « travailleur social », « accompagnateur social », « collaborateur social » etc. Il semblerait que l’éducateur spécialisé soit celui dont la profession se prête le plus à cette hybridation. Il faut dire que cette profession n’a jamais vraiment été reconnue.
Educateur 2.0
Le « travailleur social », l’éducateur spécialisé d’aujourd’hui est un être hybride, un travailleur 2.0 qui maîtrise divers aspects de l’aide à la personne : il est à la fois présent dans la vie quotidienne des bénéficiaires, il les aide à dépatouiller un administratif en rade, il met en place des plans d’accompagnement. Ce travailleur opère aussi bien en suivi individuel qu’en projets collectifs et communautaires, qu’il définit, élabore et évalue selon des grilles savantes. Il peut s’occuper d’une permanence sociale ou d’entretiens en matinée et passer à une animation d’ateliers l’après-midi.
Un hybride du social
N’oublions pas ses capacités administratives qui lui permettent de remplir notamment des dossiers de demandes et d’évaluations de subsides parfois bien complexes et longs comme le bras. L’éducateur spécialisé, « travailleur social », est également un être partenarial, membre de nombreuses commissions et groupes de travail actifs dans la mise en place de projets intra ou intersectoriels. Multitâches et aux compétences variées, ce couteau suisse du social se retrouve dans beaucoup de secteurs : aide à la jeunesse, aide au logement, cohésion sociale, insertion socio professionnelle, aide aux victimes etc.
Quid de la reconnaissance
Pour autant, et malgré ce flot de compétences et de tâches, auxquelles l’éducateur spécialisé n’a pas forcément été préparé et qu’il ne souhaite pas nécessairement exercer, sa profession est toujours en peine de reconnaissance, parfois même au sein de sa propre institution. Son titre est d’ailleurs, dans certains cas, de moins en moins en phase avec sa fonction réellement exercée : lorsqu’on est si polyvalent, peut-on encore être « spécialisé » ? Peut-on encore exercer ce pour quoi on a choisi ce métier ?
Polyvalence et flexibilité permanentes
Parfois aussi, ce manque de précision dans les tâches, ce décloisonnement, cette injonction à la flexibilité ce discours volontairement vague et flou sur les compétences de chacun est aussi une manière de maintenir une certaine incertitude. Sur les équipes d’abord, mais aussi et surtout, sur les personnes. Lorsque les choses ne sont pas claires, les reproches sont plus aisés à formuler et les fonctions plus faciles à redéfinir sans cesse.
MF - travailleuse sociale
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