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Chronique d’un psy : « Faut-il être heureux pour être psy ? »

29/08/24
Chronique d'un psy : « Faut-il être heureux pour être psy ? »

Alors que l’hiver frappe à la porte de notre quotidien, T. Persons se pose une question  : l’état émotionnel dans lequel on est fait-il de nous de meilleurs ou de moins bons psy ?

Il y a des jours, quand le ciel est morne, que la température extérieure est parfaite pour la conservation des glaçons et qu’en plus, on sort du faste des fêtes de fin d’année, mon humeur est aussi froide et cassée qu’un hallelujah retentissant de Jeff Buckley. Vigilance  ! Le spectre de la dépression planerait-il au dessus de la pâle stature de T. Persons  ? Il est vrai que, parfois, j’ai un peu moins le moral. Comme tout le monde. À l’inverse, il arrive qu’à certaines périodes de ma vie, mon cerveau se noie dans la dopamine, l’endorphine ou la sérotonine et que je suis disposé à être aussi vif et heureux qu’une samba brésilienne remixée par un groupe de techno allemand.

Il y a des hauts. Il y a des bas. Non pas que je m’interroge sur les courbes sinusoïdales émotionnelles de ma vie, mais je me demande si, finalement, toutes ces montagnes russes n’ont pas un impact sur ma pratique. En effet, le psychologue clinicien se doit d’avoir une certaine hygiène émotionnelle et de ne pas être en permanence débordé. Il faut un certain équilibre pour être suffisamment disponible pour l’autre. Or, dans une société qui voue un culte au bonheur et où il y a de moins en moins d’espace où l’on a le droit d’être triste ou malheureux, je me demande si finalement, ce déversement de plaisir d’un professionnel béat, n’aurait pas non plus un impact sur le trajet thérapeutique du patient  ?

"Tout est une question de dosage et d’équilibre"

En effet, il ne fait aucun doute qu’un psychologue clinicien dépressif aurait du mal à être présent pour qui que ce soit. Par contre, peut-on postuler de l’inverse  ? Je m’explique. Quand je suis très heureux, j’ai tendance à me focaliser sur mon nombril, à penser à l’objet de mon plaisir et finalement, à en oublier un peu tout le reste. L’euphorie fait-elle ne nous de fieffés égoïstes  ? Du coup, un psy très heureux ne serait-il pas un psy un peu à côté de la plaque  ? Peut-on être heureux et en même temps disponible pour l’autre  ?

Bien évidemment, je ne suis pas en train de dire qu’un bon psy doit tourner sous fluoxetine, tout en écoutant du Radiohead à longueur de journée. Néanmoins, s’il est évident qu’un excès de manque d’envie est délétère pour se mettre dans une posture thérapeutique, on met rarement en avant qu’une surabondance d’allégresse doit également faire de nous de piètres professionnels.

En conclusion, comme souvent, – sauf pour la clope et l’alcool – tout est une question de dosage et d’équilibre. En effet, s’inspirer du spleen hivernal ne peut pas nous faire de tort, tout comme humer la volupté d’un moment agréable ne peut pas nuire à notre clinique. Il peut être intéressant de rester vigilant lorsque l’on sort de l’acceptable pour rentrer dans l’opulence émotionnelle. Bref, à tous mes amis et amies psychologues trop heureux, je n’ai qu’un conseil avisé à vous donner  : regardez le ciel belge de janvier durant cinq minutes, tout en écoutant Thom Yorke vous dire qu’il n’y a pas d’alarmes, ni de surprise. Dosé en suffisance, cela devrait calmer les ardeurs…

T. Persons

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