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Dans l’ombre du care : harcèlement, sexisme et silence dans le social

27/08/25
Dans l'ombre du care : harcèlement, sexisme et silence dans le social

Éducatrice spécialisée dans un internat, Nadine exerce son métier avec passion, au plus près des enfants cabossés par la vie. Mais derrière cet engagement, elle raconte la solitude, le mépris de sa hiérarchie et les violences systémiques dont elle est victime. Un témoignage édifiant qui met en lumière certaines dérives managériales et sexistes dans un secteur social sous tension, fragilisé par la pénurie de personnel.

Une vocation au service des enfants

« Mon travail, c’est de prendre soin, de retaper les enfants pour les aider à grandir au mieux. » Nadine, éducatrice spécialisée depuis plusieurs années dans un internat, parle de son métier avec des mots tendres. Elle se compare volontiers à une jardinière pour plantes abîmées. Ce lien direct, humain, avec les jeunes, c’est ce qui donne du sens à son quotidien. Mais cet engagement est mis à rude épreuve par une réalité bien plus sombre : celle du harcèlement moral au travail.

Lire aussi : Épuisement émotionnel du travailleur social : comment le prévenir et le reconnaître ?

Un secteur où les femmes sont en première ligne

Le cas de Nadine est loin d’être isolé dans l’univers du travail. D’après un rapport de la CGSLB, les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à subir du harcèlement moral au travail. Dans la majorité des cas, ces comportements abusifs viennent de la hiérarchie. Le secteur social et éducatif, largement féminisé et sous-valorisé, n’échappe pas à ce phénomène. Nadine en fait l’amère expérience.

« Je suis la seule à temps plein, la seule diplômée éducatrice spécialisée dans l’équipe actuelle », explique-t-elle. Face aux difficultés de recrutement, la direction embauche des profils peu qualifiés, laissant peser sur elle une lourde responsabilité. « On se repose sur moi. Je suis devenue une coordinatrice informelle, mais sans soutien, sans reconnaissance et sans l’avoir demandé. »

Un supérieur hiérarchique « odieux » et sexiste

Les tensions avec son supérieur hiérarchique s’accumulent. « Il est odieux, surtout avec les femmes », confie la professionnelle. Les remarques sexistes sont fréquentes : sur la grossesse, la parentalité, la supposée incompétence des femmes. Lorsqu’elle demande un congé parental à 4/5e temps, il le lui refuse. Il faudra un recours officiel à la direction pour faire respecter ses droits. Mais le mal est fait : « À partir de là, ça a été la guerre. »

Harcèlement structurel dans un contexte de pénurie

Ce harcèlement n’est pas seulement le fruit d’un individu toxique. Il s’inscrit dans un système à bout de souffle, où les pressions et les injonctions contradictoires se multiplient. « On engage ceux qui veulent bien venir. Un de mes collègues vient de la boucherie. Beaucoup d’éducs partent. » La surcharge de travail, le manque de formation, l’absence de soutien, tout concourt à une perte de repères professionnels.

Dans ce climat délétère, chaque erreur devient un prétexte à accablement. « Quand on remonte des incidents de violence, notre chef cherche immédiatement à prouver qu’on a mal géré. Il ne nous écoute pas, il nous enfonce. À force, on doute de nous. Et on finit par se taire. »

Une réalité qui pousse à l’épuisement et au silence

Le témoignage de Nadine fait écho à celui de nombreuses professionnelles du secteur socio-éducatif. Ce climat toxique participe à la fuite des travailleurs et travailleuses d’un métier pourtant essentiel. Un paradoxe cruel, alors que l’on parle sans cesse de vocation et d’engagement.

Propos recueillis par MF, travailleuse sociale

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