L’après COVID : "Infirmière en milieu hospitalier, j’ai fait un pas de côté"

Quatre ans après, la pandémie de COVID semble loin derrière nous et les choses ont l’air d’être revenues à une certaine normalité. Pourtant, certaines professions ont payé un lourd tribut, et continuent encore, d’une certaine manière, à le payer. C’est particulièrement le cas dans le secteur des soins de santé, où les pénuries sont plus criantes que jamais et où les conditions de travail se dégradent.
Céline est infirmière urgentiste et passionnée par son métier depuis près de 20 ans. Pourtant, cette pétillante quadra, maman de trois enfants, qui a toujours travaillé à temps plein en milieu hospitalier, a décidé de faire un demi pas de côté suite à la pandémie.
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"Vraiment, je me demande qui nous soignera dans 20 ans..."
Le Guide Social : Qu’est-ce qui vous a décidé à diminuer votre temps de travail en milieu hospitalier ?
Céline : A un moment, je me suis rendu compte que ça devenait trop compliqué en termes de vie personnelle, et au niveau de ma récupération physique. J’en étais arrivée à un stade où tous mes jours de congé étaient devenus nécessaires à ma récupération. Je me sentais à nouveau d’aplomb au moment de recommencer à travailler. En outre, je devenais plus irritable, y compris avec les patients. Il fallait que les choses changent.
Le Guide Social : A quel moment avez-vous diminué votre temps de travail ?
Céline : Peu de temps après le COVID. En fait, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, chez moi, mais aussi chez beaucoup d’autres. Nous avons été soumis à rude épreuve. Notre métier est déjà un métier très éprouvant physiquement et intellectuellement, mais là, c’était encore pire. Non seulement, on ne savait pas où on allait, mais en plus, on devait se soumettre à des mesures d’hygiène et d’organisation extrêmement éprouvantes. En plus, du moins au début, on avait peur pour nous et nos proches. Il y avait un contraste énorme entre nos conditions de vie, de travail et le reste de la population qui profitait du beau temps en se plaignant d’être confinés, c’était très dur. On nous a également fait faire des choses qui étaient terribles d’un point de vue symbolique.
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Le Guide Social : Par exemple ?
Céline : Pour monter les patients au scanner, on devait les mettre dans des housses mortuaires pour qu’ils ne soient en contact avec rien. Non seulement c’était terrible symboliquement, mais en plus, il y avait toute cette manutention supplémentaire. Le COVID nous a apporté beaucoup de reconnaissance de la part de la population, et cette reconnaissance perdure. J’ai l’impression que les gens se rendent mieux compte de la difficulté de notre métier et de son importance. Mais par ailleurs, le COVID nous a laissés exsangues. Nous avons tenu le coup, car c’était nécessaire, on avait besoin de nous, mais ensuite, il a fallu retourner au boulot, comme si de rien n’était, dans des services où il y avait déjà un manque de personnel, et ce manque a empiré. En fait, avant le COVID, on était déjà en situation critique et depuis, c’est pire. Y compris dans les écoles, où certains enseignants ont perdu leur place faute d’inscriptions d’étudiants. Vraiment, je me demande qui nous soignera dans 20 ans.
"Il a fallu retourner au boulot alors que nous étions tous épuisés"
Le Guide Social : Avez-vous reçu un soutien psychologique, ou d’autres formes d’aides ?
Céline : Non, nous n’avons pas eu de soutien psychologique. La clinique où je travaille a organisé une soirée festive pour le personnel, et cette manifestation est devenue une tradition annuelle. Je sais que d’autres lieux de travail ont mis en place des services gratuits pour le personnel, comme des massages, etc. Nous avons également bénéficié de mesures pour être payés de nos heures supplémentaires de manière avantageuse fiscalement. Pour le reste, nous n’avons pas vraiment eu de répit après. Il a fallu retourner au boulot alors que nous étions tous épuisés. Plusieurs soignants ont d’ailleurs fait défection après. C’est en partie mon cas, puisque je me suis réorientée partiellement vers la formation. Ça a réellement été le bol d’air dont j’avais besoin, former des jeunes professionnels à l’aide médicale urgente a donné un second souffle à ma pratique hospitalière et m’a fait aimer mon métier à nouveau comme au premier jour.
Le Guide Social : Auriez-vous un conseil à donner à de jeunes professionnels ?
Céline : Se préserver. Mais je pense que les jeunes font ça de manière plus naturelle que notre génération. Ne pas hésiter à refuser un remplacement, refuser des heures supplémentaires, penser à soi et à son équilibre avant tout. On veut être gentil, aider ses collègues, rendre service au service, mais finalement, on ne rend service à personne en bouchant tout le temps les trous. Le monde politique doit prendre conscience de la gravité de la situation et prendre ses responsabilités.
Propos recueillis par MF - travailleuse sociale
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