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Soins palliatifs face au coronavirus : entre solidarité et système D

21/03/20
Soins palliatifs face au coronavirus: entre solidarité et système D

Qu’ils soient à domicile ou en milieu hospitalier, les structures de soins palliatifs voient leur quotidien chamboulé par la crise sanitaire liée au coronavirus. Si le manque d’équipement varie selon les structures, la solidarité entre les équipes est omniprésente. Tous les acteurs se coordonnent pour offrir à leurs patients un accompagnement de la meilleure qualité possible.

Le Docteur Bouckenaere, la présidente de la Fédération Bruxelloise des Soins Palliatifs et continus (FBSP), venait de lancer une consultation des différents acteurs de terrain lorsque nous l’avons contactée. Elle a pris le temps d’évoquer l’impact du coronavirus sur son métier et celui de ses collègues. Si le manque de matériel et les problèmes sont bien réels, la solidarité et la coordination dont font preuve les équipes de soins palliatifs sont un motif d’espoir face à la crise sanitaire actuelle.

Guide Social : Docteur Bouckenaere, vous êtes la présidente de la FBSP, la crise sanitaire doit impacter votre quotidien. On entend régulièrement parler de pénuries de matériel médical, êtes-vous concernés, vous les soins palliatifs ?

Dominique Bouckenaere : En ce qui concerne les soins palliatifs à domicile, nous sommes actuellement dans un contexte particulier de pénuries de masques, de gants et de gels hydroalcooliques. Le plus grave, c’est la pénurie de masques. Tant et si bien que nous utilisons des masques que l’on confectionne nous-mêmes avec du tissu. Nous devons nous débrouiller car il existe une insuffisance en termes de matériels de protection. Nous continuons malgré tout notre travail d’accompagnement des patients et de leurs proches. Tout ce que nous pouvons faire à distance, sans perdre en qualité de service, nous le faisons, mais nous n’hésitons pas à aller au domicile du patient lorsque c’est indispensable.

Guide Social : Concrètement, qu’est-ce qui change pour les soins palliatifs à domicile ?

Dominique Bouckenaere : Nous prenons contacts et nous renseignons auprès des médecins traitants de nos patients, pour prendre les meilleures précautions en cas de symptômes présents chez ceux-ci. On se concentre également sur les mesures d’hygiène des mains. Les masques malheureusement, on les confectionne par nos propres soins. Mais il est à souligner et c’est un point positif, qu’il y a un extraordinaire élan de solidarité qui existe. On travaille par visioconférence ou WhatsApp pour les réunions d’équipe et il existe une grande collaboration et coordination entre les acteurs. C’est très important de réussir à maintenir cette communication. Dans les équipes, il y a une certaine anxiété, car il faut faire face à l’afflux de patients, mais aussi beaucoup de solidarité face au Covid-19. On se débrouille pour continuer à assurer les meilleurs soins aux patients.

"Les équipes sont mobilisées"

Guide Social : Il faudrait pour cela endiguer la pénurie…

Dominique Bouckenaere : Nous avons réalisé une évaluation de nos besoins, et nous avons passé une commande, mais sans aucune certitude à l’heure actuelle de la date à laquelle on sera livrés. Il existe une exposition pour les travailleurs en soins palliatifs à domicile, Ils sont exposés et à risque car ils passent de maison en maison, c’est pourquoi on s’organise pour faire le maximum par téléphone.

Guide Social : Lorsque l’on parle de soins palliatifs, dans l’imaginaire collectif, la première image qu’on associe reste les hôpitaux. Quelle est la situation justement, dans ces structures palliatives hospitalières ?

Dominique Bouckenaere : Dans les hôpitaux, les équipes sont mobilisées. Il existe des services mobiles, et des unités de soins palliatifs. Un des principaux problèmes concerne la limitation des visites par les proches aux patients. C’est quelque chose de difficile à vivre pour tous les concernés. On laisse par endroits une visite par jour aux patients, avec une seule personne à la fois autorisée dans la pièce. Certains patients préfèrent rentrer dans leur domicile pour être au plus près de leurs familles. Pour les patients de soins palliatifs, il y a - en temps normal - beaucoup de présence, d’accompagnement, de contacts offerts par les soignants, les proches et les bénévoles. Mais le nombre de ceux-ci se réduit, car certains d’entre eux sont malades ou alors écartés car faisant partie des groupes à risques. Certains hôpitaux ont fermé leurs portes aux stagiaires et aux bénévoles. Cela reste à la discrétion des directions. Il y a également beaucoup moins de transferts entre hôpitaux, parce que certains choisissent de fermer leurs portes à ces transferts de patients. Le problème, c’est que certains hôpitaux n’ont pas d’unités de soins palliatifs. Il faut alors rechercher et trouver une solution, car on ne peut renvoyer ces patients chez eux que s’ils ont des familles disponibles pour les aider et un logement apte à les accueillir.

"Ce qui ressort, c’est la solidarité"

Guide Social : La situation doit être difficile à gérer…

Dominique Bouckenaere : Cette crise sanitaire inédite et la distanciation qu’elle impose sont antinomiques avec le but premier des soins palliatifs. Notre mission est d’être présents, à l’écoute, attentifs aux besoins et souhaits des patients et de leurs proches… Nous créons du lien avec le patient et la famille, et aujourd’hui c’est plus compliqué. Autre chose est qu’en cas de décès, il y a une limitation du nombre de personnes pouvant participer au service funéraire. C’est difficile à gérer pour tout le monde.

Guide Social : Cela ne doit pas être facile à vivre. Est-ce que d’une manière générale, cette crise sanitaire liée au Covid-19 pèse sur le moral du personnel actif en soins-palliatifs ?

Dominique Bouckenaere : C’est vrai qu’il y a une certaine inquiétude ambiante, mais ce qui ressort, c’est la solidarité et l’innovation. Il s’agit de faire face à la crise et d’agir le mieux possible dans ce contexte de distanciation sociale et de confinement. On se serre les coudes. Nous sommes là, nous respectons les directives gouvernementales. Nous nous servons de la technologie pour coordonner les soins, et ajouter du lien entre tous les soignants et patients.

Propos recueillis par C.D.

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