Aide à la jeunesse : le quotidien d'un service résidentiel général
Quatrième et dernier épisode de notre série consacrée à l’Aide à la jeunesse et à son personnel ! Dans cet article, le Guide Social vous emmène à la découverte d’un service résidentiel général. Marine, Jean et Rachelle, éducateurs, nous font visiter cette institution aux airs de maison.
[Dossier] :
- Episode 1 : Evolution et préoccupations pour l’Aide à la jeunesse : la parole aux travailleurs
- Episode 2 : Aide à la jeunesse : quand les violences politiques succèdent aux violences familiales
- Episode 3 : Aide à la jeunesse : un travail exigeant et passionnant
« Ici, c’est un joyeux bordel, un lieu de vie, comme une famille avec ses ratés qu’on assume. »
Le ton est donné. Et de fait, le premier mot qui vient à l’esprit lorsqu’on visite ce service résidentiel général est « maison ». Ce lieu a tout d’un foyer, chaleureux, accueillant, une maison avec une âme. Un vieux poêle, des planchers et des portes qui grincent, des peintures qui ont vécu. Ici, rien n’est aseptisé, au contraire : on sent la patine des ans et les traces de éclats de rire et de voix. Tout ceci n’empêche pas une organisation au cordeau et des lieux briqués comme un sou neuf.
Une institution aux airs de maison
Cette institution, qui se veut familiale, revendique ses choix. « Ici, on nomme les pièces comme dans une maison : on mange dans une salle à manger, pas dans un réfectoire », nous explique Marine, éducatrice. Les lieux sont en effet meublés et décorés comme dans une maison, mais une maison particulièrement bien organisée. Dans le jardin, un grand potager, un poulailler, des chèvres, des espaces de jeux… La situation à la campagne permet cette maximisation du contact avec la nature.
Assumer les situations problématiques jusqu’où on peut, jusqu’où on doit
« Nous sommes une maison où les jeunes peuvent se poser un long moment. En général, on accueille des jeunes dont on sait qu’ils vont rester quelques années. Ce n’est pas un choix que nous avons fait, mais une spécificité qui est devenue la nôtre suite à notre engagement avec les jeunes. Les mandants nous reconnaissent ça », poursuit Marine.
« Nous assumons les situations problématiques jusqu’où on peut, jusqu’où on doit », renchérit Jean, éducateur. « Nous veillons à maintenir un équilibre entre les besoins et difficultés de chaque jeune et ceux du groupe. Le groupe peut trinquer un peu si c’est porteur pour le jeune qui en a besoin. À certains moments, le groupe trinque trop, l’équilibre ne peut pas être maintenu, la tension est trop importante. Nous avons déjà dû demander le départ de certains jeunes, mais ce n’est jamais de gaité de coeur. Nous prenons ces décisions en équipe et nous les portons en équipe, avec le jeune concerné, qui fait partie du processus du début à la fin. Ceci dit, nous vivons toujours un peu ça en demi teinte. »
Respecter l’individualité de chaque jeune, lui offrir sa place le temps qu’il faut
« Ici, nous accordons une grande importance au respect de l’individualité de chacun. Les jeunes ont tous leurs propres vêtements, pas question de réutiliser les vêtements d’un jeune à l’autre. Dans la salle de jeu, il y a des jouets communs, mais chacun a son propre assortiment de jeux : cadeaux des parents, mais aussi de Saint-Nicolas, etc. Nous fêtons chaque anniversaire, des jeunes comme des éducateurs. En été, nous partons une semaine à la mer. Les chambres aussi sont très personnalisées », explique Marine.
Cette philosophie s’étend à tous les domaines : « Pour le moment, nous n’avons pas de psy dans l’équipe, aussi, toutes les consultations des jeunes se font à l’extérieur. Chaque jeune qui bénéficie d’un suivi a son propre psy. Comme on est en zone très rurale, ça signifie concrètement faire parfois 1h30 de route pour une consultation de 30 minutes, mais peu importe. Les trajets en voiture sont aussi l’occasion de passer un moment privilégié avec le jeune, qui va parfois se confier plus facilement », précise Rachelle, éducatrice.
« Ici, c’est vivant, gratifiant, dynamique, imprévisible. On arrive sans savoir ce qu’on va vivre sur son lieu de travail, c’est une dynamique de changement perpétuel. D’ailleurs, quand on commence à ne plus changer, il est temps de partir », ponctue Jean.
Un quotidien bien huilé… qui laisse la place aux imprévus
Au quotidien, l’éducateur de nuit s’occupe des levers, de la préparation et des départs pour l’école. En journée, il n’y a normalement pas d’éducateur dans la maison, uniquement la direction et le personnel d’entretien. Ceci dit, comme dans toute famille, il y a parfois des enfants malades, des rendez-vous extérieurs, etc. dont l’organisation est décidée en réunion d’équipe. En soirée, les éducateurs reviennent à partir de 14h30, pour les retours de l’école, les devoirs, bains, jeux, le souper, les couchers…
La vie en collectivité peut être porteuse ou non, selon les besoins des jeunes.
Jean et Rachelle nous expliquent : « Ici, nous avons une certaine souplesse dans le cadre. J’ai connu des institutions où il y avait un tableau avec les heures de coucher des enfants. Ce n’est clairement pas le cas chez nous, même si nous avons une routine bien établie. La place est laissée aux impondérables, aux besoins du moment, mais aussi à la personnalité de chaque éducateur. Ça se voit surtout lors des activités du week-end, mais aussi dans des petits détails : qui met du beurre avec le choco et qui n’en met pas, ce genre de choses. Ça convient très bien à la plupart des jeunes, mais d’autres ont vraiment besoin d’un milieu plus structuré, plus cadré, qui les rassurerait mieux. Nous devons le reconnaître et travailler ensemble, avec ces jeunes, pour mettre des mots sur leurs besoins et trouver une solution adaptée. Pour beaucoup, lorsqu’ils partent en autonomie, ce côté « maison » leur manque et pour d’autres, c’est une délivrance : ils sont enfin seuls et au calme ! Ici, ça reste une vie en collectivité, ça peut être très porteur pour les jeunes, mais d’autres auront besoin d’un cadre plus familial. Le manque de places d’hébergement empêche de s’adapter avec précision aux besoins de chaque jeune. »
En effet, chaque année, ce sont des centaines de jeunes en danger qui restent en attente d’une place en hébergement.
MF - travailleuse sociale
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