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Le bulletin social : "La publicité des produits alcoolisés, une lutte inégale ?"

06/07/21
Le bulletin social:

Alors que la coupe d’Europe resplendit sur bon nombre d’écrans de notre Royaume, T. Persons s’inquiète de l’impact de la publicité pour les produits alcoolisés sur la santé de ceux qui en sont dépendants.

« Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. »

A. De Musset

Il n’y a pas de petit bonheur. Pour certains, c’est la brise du matin sur la peau face à un lever de soleil sur l’île de Bohol, pour d’autres c’est le premier cri d’un nouveau-né qui vient de naitre. Enfin, il y a des gens qui vivent un émoi en zappant sur TF1 lors d’un match de football où l’équipe de France est en passe de perdre, se délectant des commentaires dépités des commentateurs sportifs. Bref, la joie, la délectation, l’ivresse sont partout, mais en ces temps footballistiquement chargés, les publicitaires ont tendance à vous faire croire que le bonheur est au fond de votre binouze…

Vous me direz, rien de neuf sous les tropiques… La publicité a la vertu de faire vendre du rêve associé à un produit. Toute personne un tantinet critique se doit de faire la part des choses : Leonardo ne conduira jamais la Fiat 500 électrique que vous achetez et les tablettes de chocolat de Lukaku ne sont pas faites de Kinder Bueno. Soit, on part du postulat que l’humain est un être de raison, de réflexion et j’aurais tendance à y croire, tout en y mettant un fameux bémol : lorsqu’il y a dépendance à un produit, il n’y a souvent plus aucune distance, ni critique par rapport à ce que l’on consomme. Or, l’alcool est un psychotrope qui, avec le temps, entraine une fameuse dépendance. Il est également intéressant de noter qu’il s’agit du seul produit qui n’est pas flanqué d’une interdiction de publicité.

Bon, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit… Il n’est pas question ici de prohiber l’alcool qui – bien évidemment – rend la bêtise humaine plus tolérable, mais d’en interdire la publicité directe et indirecte. En effet, pour une personne addicte, le moindre stimuli le poussera à la consommation. Demander à un alcoolique de boire avec sagesse , c’est comme exiger d’un chat qu’il arrête de se lécher le derrière ou sommer la Terre d’en finir de tourner autour du Soleil. Ce n’est pas impossible, mais c’est hautement improbable, non pas par manque de motivation, mais parce qu’une fois que les choses sont écrites, on ne peut plus les effacer. On ne peut qu’éviter de se confronter à l’alcool ou à son arrière-train, si on est un chat.

On peut plus facilement faire de la publicité pour de l’alcool que pour la prévention de son abus ?

Clairement, il faudrait être un doux rêveur pour croire que le lobbying des alcooliers pourrait un jour être freiné par une législation moins hypocrite. Du coup, on peut se rabattre sur le contre-balancier : la prévention à l’abus d’alcool. Et là, c’est l’angoisse la plus totale. De fait, savez-vous qu’à l’heure actuelle, on peut plus facilement faire de la publicité pour de l’alcool que pour la prévention de son abus ? Eh oui ! Il est évident que pour aller chercher les consommateurs d’alcool en détresse, Internet est un outil précieux, notamment les publicités ciblées. Idéalement, si un jour, quelqu’un cherche sur un moteur de recherche « aide alcool », il serait pertinent que ses réseaux sociaux le matraquent de publicités sur le sevrage alcoolique, tout en espérant que la sauce prenne. Or, on apprend que bon nombre de structures actives dans la lutte contre l’alcoolisme voient leurs comptes fermés pour publicité sensible. En effet, si l’on veut faire de la prévention, il faut être muni d’un certificat LegitScript. Les conditions pour y avoir accès ? Il n’est bien évidemment pas question de pertinence ou d’expérience dans le domaine des addictions, mais juste d’un coût : entre 2000 $ et 3000 $ par an, soit l’équivalant du budget alcool d’une soirée avec Benoit Poelvoorde. Vu le contexte, autant vous dire que bon nombre d’acteurs actifs dans la lutte à la dépendance n’en ont tout simplement pas les moyens et sont donc condamnés à voir leur publicités retirées et leurs comptes bloqués.

En conclusion, alors que la publicité d’alcool fait le plein durant l’Euro de football, les organismes de lutte face à la dépendance à l’alcool se voient réduits au silence, sans possibilité de faire monter De Bruyne à la mi-temps pour débloquer la situation… Du coup, face à cette inégalité flagrante, on peut se demander ce que font les GAFA… D’une manière plus globale, on peut également s’interroger sur la timidité de nos politiques. Cela fait des années que le secteur réclame un vrai plan alcool et pourtant, rien ne bouge. Et, là, par contre, il est question de volonté, parce que si ce n’est qu’une affaire de sous, il me semble que ce sont les mauvaises personnes qui trinquent ! Soit, en attendant qu’on puisse leur faire la publicité qu’ils méritent, on ne peut que conseiller à toutes les personnes que cela pourrait aider, de faire un tour sur le site www.aide-alcool.be.

T. Persons

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