L’impuissance en travail social : accompagner quand rien ne fonctionne

Parfois, ça ne fonctionne pas. On a beau mobiliser toutes nos compétences, explorer toutes les pistes, en référer à des collègues, trianguler, travailler en relais, tenter diverses approches… parfois, ça ne fonctionne pas. Certaines personnes ne s’en sortent pas. Et après ? Que faire avec ça, en tant que professionnel du travail social ? Comment garder le cap, comment gérer la frustration et le découragement ?
On a tous connu ces situations que d’aucuns qualifieraient de kafkaïennes, où on n’en peut simplement plus. On a beau tout essayer, rien ne fonctionne et les personnes restent dans leur marasme, voire dans une situation qui empire. Et nous, plus le temps passe, moins on sait quoi faire et plus le découragement pointe le bout de son nez. Alors que faire ?
Pas de baguette magique, mais un outil
Je n’ai pas de baguette magique, mais, lors d’une formation, j’ai eu connaissance d’un outil qui a changé ma vision de l’accompagnement. Il s’agit d’un outil issu de l’analyse transactionnelle et qui s’appelle la grille des méconnaissances. Adapté au travail d’accompagnement, qu’il soit social, éducatif ou psychologique, il s’agit réellement d’un outil puissant, libérateur et transformateur pour le professionnel.
Une grille d’analyse du niveau de méconnaissance
En termes de vision de l’accompagnement, cette grille d’analyse nous invite à prendre conscience du niveau de connaissance de son « problème » par le bénéficiaire et à aligner notre intervention sur ce niveau. En d’autres termes, on n’accompagne pas de la même manière une personne qui n’a aucune conscience du caractère « problématique » d’une situation qu’une personne qui a conscience d’être dans une situation délétère, qui veut en sortir et qui se sait dotée de ressources personnelles.
Une méconnaissance est…
En analyse transactionnelle, une méconnaissance est un mécanisme inconscient qui nous conduit à ne pas voir la réalité telle qu’elle est. Elle se manifeste par des phrases qui sont des généralisations ou des minimisations. Une méconnaissance est une perception tronquée de la réalité, une construction de la réalité personnelle à laquelle la personne tient et qu’elle est prête à justifier. De fait, ses arguments sont inexacts mais suffisent à valider, à ses yeux, sa croyance. C’est pourquoi il peut être difficile de faire prendre conscience à quelqu’un qu’il est en pleine méconnaissance. Bon, certes, mais que faire avec ça ?
Tout d’abord, accepter le niveau de méconnaissance de la personne. Ce que nous voyons, ce qui nous saute aux yeux n’est pas flagrant de la même façon pour la personne qui le vit au quotidien et qui a peut-être connu bien pire ou qui y a toujours été habituée. Ensuite, adapter son approche. Inutile de proposer des actions concrètes à une personne qui pense n’avoir aucune situation problématique à régler.
En version simplifiée
Voici une version simplifiée de cette grille d’analyse et quelques exemples de stratégies d’accompagnement qui peuvent être adéquates à chaque niveau de méconnaissance.
Confrontées à une même situation problématique, certaines personnes passeront très rapidement d’une étape à l’autre et mettront en place des solutions. D’autres resteront au niveau des étapes 1 à 4 beaucoup plus longtemps. Certaines ne passeront jamais les étapes 3 et 4. Ce sont les situations où les personnes stagnent dans une certaine méconnaissance de leur situation qui sont les plus problématiques pour nous, et aussi les plus frustrantes. C’est là que nous devons apprendre à lâcher prise et accepter nos propres limites d’accompagnants.
Ces frustrations sont d’autant plus présentes que le discours des personnes est empli de plaintes. Or, les plaintes sont des manifestations de la méconnaissance de la possibilité de changement.
MF - travailleuse sociale
Découvrez les autres textes de l’autrice
- Commencer un nouveau travail dans le social : et après ?
- Quand l’éduc maltraite : "Je l’ai vu enfermer les enfants dans le noir..."
- Imaginez… une Belgique sans travailleurs sociaux
- Travail social : "Les meilleures pratiques de mes chefs"
- L’après COVID : "Infirmière en milieu hospitalier, j’ai fait un pas de côté"
- Travail de nuit dans le secteur des soins : 5 conseils pour plus d’équilibre
- Travail social : le syndrome du super-héros
- Secteur non-marchand : balayer devant sa porte...
- Travail social : vous avez dit piston ?
- Travailler dans le social : ces clichés qui nous collent encore et toujours à la peau
- Travail social : le pire moment pour lancer un nouveau projet
- Travail social : quand la communication fait défaut
- Ce que j’aurais aimé qu’on me dise lorsque j’ai commencé à travailler dans le social
- Travailleurs sociaux indépendants : vers un système social à deux vitesses ?
- Peut-on soigner en ne prenant pas soin de soi ?
- Rémunération : travailleur social, combien tu vaux ?
- Quand l’entretien d’embauche en dit long sur l’employeur
- Travail social : comment "gérer" son chef ?
- Travailleur social : comment démotiver un collègue compétent et investi
Ajouter un commentaire à l'article