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Covid-19 : privés de toucher, on meurt

12/04/21
Covid-19: privés de toucher, on meurt

La peau est le plus grand organe sensoriel du corps humain. Le plus riche aussi en récepteurs. Le sens kinesthésique est particulièrement important pour le développement humain. Or, voici un an que l’on nous enjoint de ne plus toucher personne. Voilà un an que l’on nous dit que toucher peut tuer, que nous devons nous enfermer et que pour protéger nos proches, nous devons les priver de ce témoignage d’amour.

Le covid tue, on le sait. Mais se protéger du covid tue aussi. La question est : en est-on suffisamment conscient ? Mesure-t-on pleinement les implications physiques et mentales de ce monde transformé en bulles qui ne se touchent plus ? Jusqu’où est-on prêt à aller pour préserver la vie ? Si tant est qu’elle puisse encore être nommée de la sorte en étant à ce point désincarnée. Et surtout, quelle autorité peut ainsi décider à la place des populations « à risque », leur ôtant tout pouvoir de décision sur leur propre vie et leur propre mort ?

L’absence de toucher tue

Si l’on n’est pas touchés, on meurt. Du moins les bébés. Cela s’appelle l’hospitalisme et ça a été étudié par le psychanalyste René Spitz, qui a observé des enfants nés et placés en orphelinat, recevant des soins de manière anonyme et privés de liens affectifs. Au bout d’un certain temps et après être passés par plusieurs phases, les bébés se laissent mourir. Nous, adultes, ne mourrons peut-être pas de l’absence de toucher, mais une chose est certaine, cette dernière n’est pas sans conséquences.

Equilibre hormonal en danger

Déjà, sur notre équilibre hormonal. Le toucher, lorsqu’il est agréable et prolongé, libère de l’ocytocyne, hormone du bien-être. Celle qui nous aide à être détendus, à gérer le stress et le quotidien sans tomber dans une agressivité excessive. Celle qui nous aide à lutter contre la dépression aussi. Le toucher est le premier sens que les humains développent dans l’utérus. Une étude a démontré que les cultures où le contact est très présent ont des taux de violence relativement faibles, alors que les cultures où le contact est peu présent ont des taux de violence extrêmement élevés chez les jeunes et les adultes.

Augmentation du stress et de l’agressivité

Il n’y a qu’à voir la montée en flèche de l’agressivité quotidienne pour comprendre qu’effectivement, il y a peut-être du vrai dans cette étude. Toucher permet d’établir un lien, de confiance, d’amitié, d’amour. Toucher permet de réduire les niveaux de cortisol, l’hormone du stress. Ce n’est pas pour rien que l’on cherche instinctivement à prendre la main de quelqu’un lorsqu’on a peur.

Manque affectif, dépression, insomnies, anxiété

L’absence de toucher crée un manque affectif qui peut provoquer dépression, anxiété et insomnies. Ce n’est pas pour rien que les adoptions d’animaux ont grimpé en flèche depuis un an. Une question que l’on peut légitimement se poser est celle de la prise en compte de ces dommages psychologiques et physiques, à l’heure où la situation sanitaire s’installe dans la durée et où les mesures de confinement, distanciation, etc. ne sont plus l’exception mais bien la règle, et ce depuis de longs mois.

Protéger, oui, mais de quelle manière et à quel prix ?

À la table des experts scientifiques qui semblent désormais piloter notre pays, où sont les psys ? Où est la voix de l’humain qui souffre dans son corps et dans sa peau ? Notre société doit protéger ses membres les plus vulnérables, c’est un fait certain. Que fait-on de nos aînés qui sont privés de visites, de contacts, de toucher et de la tendresse de leurs proches ? Nos aînés qui, pour beaucoup, dépriment et pleurent cette situation qui leur vole leurs dernières années. Et ils ne sont pas les seuls à être privés à l’extrême. Il en va de même des personnes qui vivent seuls, quel que soit leur âge.

Quel choix et quelle liberté leur reste-t-il ?

De nombreuses voix s’élèvent pour dire qu’on abolit l’existence à force de vouloir protéger la vie. Sans rentrer dans ces considérations et ce débat, ne peut-on pas simplement envisager de laisser le choix à toutes ces personnes « à risques » de prendre ou non le risque d’être touchées ? Ne peut-on pas envisager de leur rendre ce pouvoir élémentaire sur leur vie ? Ne peut-on pas envisager de consulter les citoyens à l’heure où les privations de liberté prennent une telle ampleur ?

MF - travailleuse sociale

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