Chronique d’un psy : "Afficher le prix d’une consultation ?"
Sur proposition d’une loi approuvée par la Commission Santé de la Chambre, l’ensemble des prestataires de soins se voient dans l’obligation d’afficher leurs tarifs dans leur salle d’attente. Une information qui a fait fortement réfléchir T. Persons.
Alors que le quidam enterre certainement ses bonnes résolutions comme un chat fait ses besoins naturels, je me suis attelé à trouver un petit truc tenable à changer dans ma pratique. Rien de bien contraignant, mais quelque chose de malgré tout significatif. J’ai cherché jusqu’à ce que l’illumination vienne à moi : cette année, je me suis promis de modifier mon rapport à l’argent. Voyez-vous, en tant que psychologue, j’ai toujours bataillé avec moi-même en fin de consultation pour me faire rétribuer. Non pas que je ne mérite pas mon salaire, mais depuis mes études, il y a quelque chose d’assez compliqué, mal formulé ou pas vraiment discuté dans le rapport entre le psy et l’argent de son patient. Je n’irai pas jusqu’à dire que l’on m’a demandé de faire ce que je fais de manière bénévole, mais en tout cas, il y a un truc qui m’a souvent titillé et dont j’aimerais, une bonne fois pour toutes, me débarrasser.
Qu’à cela ne tienne, face au malaise, notre gouvernement a tranché pour nous, nous épargnant l’incommodité de s’interroger entre psy, combien demander pour une consultation. Dorénavant, il faudra l’afficher dans sa salle d’attente. Du coup, je m’interroge : un tarif ? Déjà que j’ai du mal à facturer sans faire gonfler mon syndrome d’imposture mais si, en plus, on commence à appeler ça des « tarifs », ça me gêne un peu. De fait, mes honoraires sont multiples, ils varient en fonction des situations et parfois, ils peuvent même se négocier. Il m’est même arrivé qu’un patient me paie en poireaux. Et j’étais le premier à m’y retrouver. Certes, l’administration fiscale pourrait réclamer une partie de la soupe mais, concrètement, vouloir réduire les honoraires d’une profession de soin à une grille tarifée, cela me parait compliqué. Du coup on fait comment ? On paie à l’heure ? À l’acte ? 25 euros le trouble anxieux ? 50 euros pour les phobies sociales et 10 euros de supplément pour le traitement préventif des angoisses d’abandon ?
"On tend à considérer le psychologue indépendant comme une entreprise"
Pour être transparent, ce qui m’embête le plus, c’est de voir que toutes les personnes qui s’indignent du risque de paramédicaliser le psychologue parce qu’il rentre dans le champ de la santé, se taisent quand notre gouvernement nous ouvre un boulevard pour être apparenté à un marchand de tapis. Depuis l’apparition du code de droit économique, on tend à considérer le psychologue indépendant comme une entreprise, avec ses obligations naturelles qui en découlent.
Récemment, on nous impose la TVA pour tous les actes qui ne sont pas considérés comme thérapeutique, et maintenant, on nous dit qu’il faudrait idéalement afficher un panneau au-dessus de notre bureau, comme si on vendait des paninis. Défendre le risque potentiel d’être happé par un modèle médical que l’on considèrerait comme froid et inhumain, tout en laissant notre gouvernement nous fantasmer comme une machine à fric qui va pomper le consommateur, cela me parait pour le moins particulier… Comme quoi, le rapport des psy à l’argent n’est jamais anodin.
Je comprends sincèrement la volonté du législateur de protéger le consommateur face à l’entreprise. Étant moi-même, de temps à autre, un consommateur, j’aime bien m’assurer que la personne qui me vend un ordinateur est soumis à certaines contraintes. Par contre, s’il y a un endroit où l’on ne consomme pas, c’est bien chez le psy. On le rétribue pour un service, tout en se disant que la déontologie et le code pénal vous assure un service de qualité. Bref, si l’on veut protéger nos patients, je pense qu’il vaut mieux investir dans un organe de déontologie efficace avant de nous demander d’afficher nos honoraires mais ça, c’est un autre débat…
T. Persons
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