Chronique d’un psy : "L’obligation vaccinale"

Alors que notre Ministre de la Santé nous annonce mettre en place une obligation vaccinale pour l’ensemble des soignants de Belgique, T. Persons s’interroge sur cette démarche forte.
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90,46 %. Un pourcentage qui parait anodin mais qui, pourtant, veut dire tellement de choses pour les psychologues cliniciens. Il ne s’agit pas de la statistique qui prédit la non-venue de votre avant-dernier patient de la journée ni les chances d’avoir des informations concrètes sur notre nouvelle convention avant Noël. Il est question ici du pourcentage de psychologues cliniciens complètement vaccinés en Belgique, selon Sciensano.
Neuf psychologues sur dix, vous me direz, c’est pas mal, non ? Eh bien, non. Ce n’est pas assez. En tout cas, si l’on place le curseur du point de vue de la santé publique, c’est même problématique. Certes, on peut se poser la question de la pertinence des chiffres, de la manière dont ceux-ci sont récoltés, des personnes qui ne pratiquent plus, des psy oubliés, mais malgré tout, il y a quelque chose qui peut se dégager si l’on regarde le tableau dans son ensemble : il y a des psychologues qui ne se font pas vacciner.
Clairement, si je dois penser sous le prisme de l’éthique ou de la morale, il est compliqué d’imposer à qui que ce soit un acte pour sa propre santé. Garder la liberté de choisir, c’est important, tout en se souciant que chacun ait la bonne information pour faire son choix. Je suis plus que sensible à la question de la liberté individuelle, garant de notre démocratie, tout en pointant l’hypocrisie qui pousserait à dire que la liberté dans une démocratie est absolue. Il y a des règles et des devoirs : on ne peut pas tuer impunément son voisin au nom de la liberté, tout comme on ne tape pas des pointes à 150 km/h sur l’autoroute. Du coup, peut-on envisager l’obligation vaccinale sous cet angle ? C’est une question compliquée, qui nécessiterait d’être creusée par des personnes plus brillantes que votre serviteur.
Un échec cuisant...
Cela fait des mois que le groupe « psychologie et corona » nous bassine, à juste titre, avec des concepts clés d’adhésion à la vaccination qui, malgré tout, ne semblent pas être entendus par nos élus politiques. Dans cette obligation vaccinale, on ne peut y voir qu’une seule chose : un échec cuisant. Celui de la communication, celui de l’information. En qualité d’acteur de la santé, mon parcours académique me rappelle à quel point la vaccination n’est pas un choix, c’est un devoir. Avec mon background scientifique, j’ai compris l’utilité d’être vacciné et je vous le confesse, j’ai du mal à saisir que certains psychologues puissent y être réticents, comme j’ai du mal avec les citoyens qui remettent en cause l’utilité du feu rouge, de la limitation de vitesse, ou du code pénal. On peut bien évidemment en débattre, questionner, se montrer critique, mais l’acte de la vaccination me semble inévitable, qu’il soit obligatoire ou non.
S’agit-il d’un échec de nos formations ? Avant de monter au créneau pour fustiger la privation de nos libertés individuelles, ne devrions-nous pas nous interroger sur le fait qu’en 2021, une infime poignée de soignants n’est pas suffisamment formée pour comprendre ce qu’implique la vaccination, pour le bien de ses patients ? On ne peut que regretter l’obligation vaccinale, parce qu’elle ne devrait pas exister, parce que l’ensemble de soignants devrait comprendre sans qu’on lui impose. Malheureusement ce n’est pas le cas.
En conclusion, alors que l’on me pose la question de savoir si je suis pour ou contre l’obligation vaccinale, je dirais que je suis fondamentalement pour une meilleure formation de l’ensemble des acteurs de la santé, que s’il faut miser dans quelque chose, c’est dans l’éducation et moins dans la répression. Idéaliste que je suis, j’aimerais vivre dans un monde où il n’y a pas de limitation de vitesse parce que les gens sont suffisamment conscients du danger qu’une arme telle qu’une voiture implique, mais malheureusement, c’est loin d’être le cas, et on ne peut que le déplorer.
T. Persons
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