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Petit lexique réaliste et (im)parfait du travail social

17/10/25
Petit lexique réaliste et (im)parfait du travail social

Comme tous les secteurs, le travail social adore ses mots-clés. Ça fait sérieux, ça rassure et ça permet d’écrire des rapports où tout le monde a l’air de savoir ce qu’il fait. Mais sur le terrain, les mots prennent souvent une saveur… disons, plus amère. Petit lexique un tantinet caustique.

Accompagnement

Lui, c’est LE terme par excellence. À placer le plus souvent possible, à toutes les sauces, oralement comme par écrit. Ça fait pro, tout le monde adore. En version officielle : « Plus qu’un simple suivi administratif, l’accompagnement est une démarche globale, effectuée dans le respect du rythme et des choix de la personne, pour favoriser son autonomie. » Je vous l’avais dit, très pro.

La promesse : marcher « avec » les personnes. La réalité : courir après des bénéficiaires qui ne viennent pas, remplir des tableurs jusqu’à minuit, et faire semblant d’avoir le temps de « coconstruire » quoi que ce soit.

Autonomie

Objectif officiel de tous les projets. Le discours ressemble peu ou prou à ceci : « L’autonomie revient à disposer des ressources, des droits et des compétences pour faire des choix éclairés dans sa vie. »

Traduction : « DE-BROU-ILLEZ - vous. Et souriez, vous êtes responsabilisés. Suivant ! »

Vulnérabilité

En italique dans le texte, ce terme ne désigne pas une faiblesse intrinsèque, mais une exposition accrue à des risques sociaux, économiques ou psychologiques. Reconnaître la vulnérabilité, c’est aussi souligner la nécessité de protections collectives.

En vrai, c’est LE terme politiquement correct pour dire « galère totale ». On l’utilise parce que « pauvreté », ça fait trop années 80, et « misère », ça donne mauvaise conscience.

Lire aussi : Educateur spécialisé : l’art de décrypter les offres d’emploi

Insertion

Qu’elle soit professionnelle, sociale ou scolaire, l’insertion traduit l’idée de permettre à chacun de trouver une place reconnue et valorisée dans la société. Concrètement, l’insertion, c’est bien souvent LE mythe moderne. Trouver sa place dans une société qui n’a pas de place pour vous.

Évaluation

Mot parfois redouté, l’évaluation dans le travail social ne vise pas seulement à « mesurer », mais aussi à comprendre une situation, identifier des besoins et ajuster l’accompagnement. Bullshit. En vrai, c’est juste le moment où l’humain se transforme en case Excel. Et selon le dispositif, l’évaluation, c’est clairement la carotte ou le bâton…

Empowerment

Emprunté à l’anglais, ce concept renvoie à la capacité d’agir et au pouvoir d’influence des personnes sur leur vie et leur environnement. C’est un levier d’émancipation.

Traduction : le mot magique qui justifie tout. En gros : « Débrouillez-vous. Mais attention, dans le respect de la dignité, hein ! » Bonus : si ça échoue, c’est de votre faute, vous n’aviez pas assez cru en votre potentiel.

Intervention

Dans les documents : action réfléchie, concertée, éthique. Dans la vraie vie : gestion de crise permanente, bricolage à l’arrache, avec un téléphone qui sonne non-stop et un agenda saturé.

Partenariat

Ça, c’est hyper tendance. Travailler en partenariat, c’est reconnaître que personne n’a toutes les réponses seul. Le réseau institutionnel, associatif et citoyen est une force indispensable du travail social. En clair : réunionite aiguë avec café tiède et gâteaux secs. On échange des « synergies » et des « axes de coopération »… avant de repartir chacun dans son couloir, comme si de rien n’était. Et en n’ayant pas toujours tout compris. Bonus si on ne sait pas du tout qui fait quoi et qu’on peut se renvoyer la balle à la prochaine réunion.

Précarité

Le fourre-tout pratique. Ça englobe tout et n’importe quoi, de la galère de fin de mois à l’absence totale de droits. Mais au moins, ça permet d’écrire de jolies phrases comme : « lutte contre la précarité ».

Concrètement, elle ne se résume pas au manque de ressources financières. La précarité est une instabilité globale qui fragilise l’accès aux droits, au logement, à la santé et à la dignité. Et vous savez quoi ? Elle fait tache d’huile…

Résilience

Alors là, on en tient un bon. Concept issu de la psychologie, la résilience désigne la capacité à surmonter des épreuves et à se reconstruire. En travail social, elle rappelle l’importance de valoriser les ressources et forces des personnes. Dans un rapport d’activités ou tout autre écrit un tant soit peu officiel, ça fait classe. Les personnes survivent à tout, c’est merveilleux !

Le lexique du travail social, c’est un peu comme un vernis : ça brille de loin, ça gratte de près. Les mots enjolivent la réalité, mais sur le terrain, on sait bien qu’entre les idéaux et les moyens, il y a un gouffre. Et parfois, la seule arme pour le traverser, c’est le cynisme assumé.

En vrai, cynique ou non, on l’aime, notre métier…

MF - travailleuse sociale

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