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Assistantes sociales en CPAS : le métier change-t-il entre ville et campagne ?

25/04/25
Assistantes sociales en CPAS : le métier change-t-il entre ville et campagne ?

Au sein de notre petit pays, les réalités peuvent être très contrastées entre zones urbaines et rurales. Mobilité, accès aux services, emploi… La vie en ville et celle à la campagne ne se ressemblent clairement pas, et ce, « simplement » en parcourant une poignée de kilomètres. Et au niveau du travail social ? Concrètement, quelles sont les réalités vécues sur le terrain par les assistants sociaux, en ville et à la campagne ? Témoignages de trois professionnelles !

Nous avons rencontré plusieurs travailleuses sociales. Leur point commun : elles sont assistantes sociales et bossent en CPAS. La ressemblance s’arrête là, car leurs réalités sont bien différentes. Pourtant, seule une poignée de kilomètres séparent leurs lieux de travail.

Alexiane travaille dans une zone semi-rurale, depuis sa sortie des études, soit 9 ans. Mélanie travaille en zone rurale depuis 5 ans. Toutes deux habitent la commune où elles sont employées. Valérie, quant à elle, travaille et habite en zone urbaine depuis 20 ans. Actuellement, elle n’est plus engagée en CPAS, mais elle y a fait la majorité de sa carrière. Toutes font face à des réalités professionnelles particulièrement contrastées et pas toujours simples à gérer.

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« Tout le monde se connaît » : vivre et travailler en CPAS dans son village

Habiter un village, surtout lorsqu’on y est née, signifie connaître tout le monde, ou presque. Si, à l’heure actuelle, la mobilité démographique est plus développée que par le passé, elle reste tout de même plus faible dans certaines zones rurales plus reculées et moins plébiscitées. Habiter et travailler dans sa petite commune rurale présente de nombreux avantages, notamment lorsqu’on pense aux temps de trajets et aux embarras de circulation, mais s’agissant de travailler au sein du CPAS, cela peut aussi devenir plus délicat.

Mélanie en témoigne : « On s’organise entre nous pour ne pas gérer les dossiers des personnes qu’on connaît vraiment bien. Sinon, je ne connais pas forcément toutes les personnes qui viennent au CPAS, mais on les croise toujours, par exemple en festivités ou quand on fait nos courses. Selon le contexte, il peut y avoir un malaise. Les gens n’osent pas toujours dire bonjour et c’est délicat de se positionner soi-même, entre politesse et respect de leur discrétion. » Ce qui lui pèse aussi, c’est de voir certaines personnes demander une aide pour payer leurs factures, puis de les retrouver peu après en train de faire la fête. « C’est difficile de ne pas juger », avoue-t-elle. « On sait que certains profitent. Il y a des personnes comme ça qui bénéficient depuis longtemps de l’aide du CPAS, et on a un ressenti par rapport à eux. Au final, je trouve que c’est plus compliqué de travailler dans la commune où on habite que dans un autre, surtout à la campagne. »

Habiter et travailler en CPAS en ville : un anonymat relatif

On pourrait croire que vivre en ville revient à plonger dans un certain anonymat et, d’une certaine façon, c’est vrai. La mobilité démographique y est plus importante, mais ne concerne pas toute la population. Certains habitent leur quartier, si pas depuis toujours, en tout cas depuis quelques décennies. Habiter en ville revient en réalité à habiter un quartier, que l’on finit par connaître si on y reste. C’est dès lors tisser des liens avec certains voisins, au fil des habitudes qui se créent. Vivre en ville et y travailler présente souvent l’avantage de bouger beaucoup sans aller trop loin, si, par exemple, on change de quartier.

Valérie en témoigne : « J’ai commencé à travailler en CPAS à une époque où l’emploi était rare pour les assistants sociaux. Honnêtement, j’y suis restée surtout pour ça, car je n’ai jamais beaucoup aimé le travail en lui-même. Lorsque j’ai commencé, on était déjà à une époque où nous étions surchargées de dossiers et où nous n’étions pas dans de bonnes conditions pour accompagner les gens. Ça ne correspondait pas à ma vision du travail lorsque j’ai fait mes études d’assistante sociale et ça a empiré avec le temps. »

Et de rajouter : « Même si j’ai toujours habité la ville où j’ai travaillé, je n’ai jamais travaillé dans mon quartier. Je pense qu’ils font attention à ça, afin de nous protéger, de préserver notre intimité. On ne sait jamais, avec certaines situations, cela peut vite dégénérer. On ne connaît pas les gens, au sens où on ne les voit que dans le cadre professionnel, mais ça peut arriver de les croiser en rue, dans un magasin, ce genre de chose. En général, ce ne sont pas des moments gênants, car ils font partie de la vie quotidienne. Par contre, tout le temps où j’ai travaillé en CPAS, j’ai systématiquement été faire la fête ailleurs que dans ma ville, surtout pour les soirées bien arrosées, car là, ça aurait pu donner lieu à des moments vraiment gênants ! »

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Habiter et travailler en CPAS en zone semi-rurale

Alexiane habite une commune rurale qui s’est, au fil du temps, développée et prend, aujourd’hui, des allures de petite ville à taille humaine. Son vécu reste toutefois similaire à celui de Mélanie.

Au départ, elle a dû composer avec une situation délicate : exercer son métier dans le même environnement où elle avait grandi, parmi des jeunes de son âge, parfois d’anciens camarades de classe. « Au début, les choses étaient compliquées pour moi, car je recevais des jeunes du même âge que moi, que j’avais pour beaucoup connus à l’école ou par ailleurs. Certains ne voulaient pas être reçus par moi », se remémore Alexiane. « Je ne savais pas non plus comment me positionner, ce n’était pas facile pour moi. Il a fallu le temps que je trouve mes marques, il a aussi fallu que je demande conseil à mon entourage, notamment à ma maman et à mon beau-père, qui travaillent tous deux à la commune et ont l’habitude de recevoir des personnes qu’ils connaissent en tant que voisins, amis etc. Moi même, avec le temps et l’expérience, j’ai trouvé le juste ton, la posture professionnelle adéquate, tout en restant moi-même. »

Certaines situations l’ont poussée à poser des limites claires entre sphère professionnelle et sphère privée. Des limites indispensables quand on vit et travaille dans la même commune. « Ceci dit, il y a eu des situations particulières, comme notamment la maman d’un bénéficiaire qui a débarqué un jour chez moi, le soir. J’étais en pyjama. J’ai dû remettre le cadre avec elle, lui expliquer qu’ici on était dans mon temps privé, à mon domicile, que je ne pouvais pas la recevoir », poursuit-elle. « Je croise les bénéficiaires en rue, lorsque je fais mes courses etc. Ça ne me pose pas de problème, je les salue et je reste naturelle. Lorsque j’étais plus jeune et que je sortais, c’est déjà arrivé que des jeunes que je suis viennent me faire la bise, mais je recadre en tendant la main, car nous ne sommes pas amis. Parfois aussi, certains bénéficiaires peuvent faire des réflexions sur ma vie privée, mentionner le nom de mon compagnon, de ma mère, mais je recadre aussi. »

Avec le temps, elle a appris à gérer ces situations avec calme et professionnalisme. D’autant que ces cas restent marginaux, et qu’elle tire une grande fierté de son ancrage local. « Ceci étant, ces anecdotes sont très rares, les gens font aussi la part des choses. En fait je pense que le fait d’habiter et de travailler dans une petite commune où on connaît encore la plupart des gens facilite les choses, la création du lien. On connaît mieux les situations des personnes, on n’est pas des étrangers l’un pour l’autre. Il me semble que toute une série d’étapes de la création du lien de confiance sont déjà faites. Par exemple, pour les visites à domicile, où on entre quand même dans l’intimité des gens, quelque part, c’est plus facile. Pour moi c’est une fierté de travailler dans ma commune, pour ma commune. Je me sens considérée, estimée au niveau de mon travail, aussi bien par les gens que par la hiérarchie. »

Il n’y a pas de recette miracle et cela ne fait pas partie des choses enseignées à l’école. Habiter en zone urbaine confère un certain anonymat au professionnel, en tout cas s’il ne travaille pas dans son propre quartier. En zone rurale, ce n’est pas le cas et il revient à chacun de trouver la posture professionnelle adéquate et confortable, en sachant que, par nature, la relation préexiste à la demande d’aide.

Propos recueillis par M.F., travailleuse sociale

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