Chronique d’un psy : « En finir avec les patients qui ne payent pas »
Depuis le 1er Juillet 2022 et l’obligation pour les professionnels de soins de santé de proposer un moyen de payement électronique, on voit apparaitre dans le chef de certains de nos patients des comportements étranges, que T. Persons ne résiste pas à commenter.
Cette semaine, alors que l’été vient agoniser dans le quotidien de nos journées de consultations, renvoyant inlassablement que si être psy, c’est renoncer à toute une partie de sa garde-robe, incluant les t-shirts : « Nietzsche ta mère » et les bermudas laissant pudiquement entrevoir le haut des genoux, il ne faut pas non plus perdre de vue que notre noble profession nous permet également de suer pour des tas d’autres raisons indépendantes à notre météo estivale.
Pour être exhaustif, ma sudation extrême est partie d’un constat simple : depuis l’annonce de l’obligation de disposer d’un moyen de payement électronique, la plupart des psy s’y sont conformés, mais se sont vus confrontés à une série de problèmes. Il y a les gens qui veulent vous insérer une carte quelque part, alors que vous ne disposez que d’une application bancaire. Puis, il y en a d’autres qui, d’un regard vicelard que même Patrick Bruel en serviette n’oserait plus tenter, demandent si c’est pas moins cher si on règle en liquide. Et puis, il y a ces patients qui, d’une manière ou d’une autre, vous sortent un grand sourire angélique en vous disant qu’ils feront le virement et qui ne donnent plus signe de vie sans jamais avoir payé.
"Une relance, une menace, un rite vaudou ?"
Même si l’on peut aisément comprendre l’idée de faciliter la vie du patient, en lui octroyant le bénéfice de payer sous toutes ses formes, je me suis demandé, finalement qui protégeait les professionnels de la santé ? Il est vrai que le politique a tendance à considérer tous les indépendants comme des viles entreprises qu’il faut pousser à la modernité tout en luttant contre la fraude fiscale mais, globalement, pense-t-on réellement que c’est dans la santé que les gens sont le plus à même de ne pas déclarer leurs recettes ? Clairement, la loi sera toujours du côté du consommateur mais, du coup, quand on va chez le kiné, chez le médecin, chez le psy, est-ce qu’on consomme ?
De fait, face aux patients qui viennent mais qui ne payent pas, que peut-on faire ? Une relance, une menace, un rite vaudou ? Certes, d’autres vous diront qu’il s’agit d’une situation de perte de bénéfice, que cela fait partie du jeu mais quand cela arrive plusieurs fois par semaine, cela donne un goût amer, celui de se dire que chez le psy, si on ne paye pas, on ne fait pas que voler, on met en péril toute une relation thérapeutique. Puis-je décemment continuer un suivi sachant que la personne ne m’a pas rétribué et qu’elle ne le fera peut-être pas ? Puis-je le considérer comme le mufle qu’il est, tout en me disant qu’à l’échelle humaine, je le déteste autant que je déteste les chemises à manches courtes, sans être traité de non-professionnel ?
En conclusion, vous me direz, mais T. Persons, y a-t-il vraiment des données qui corroborent vos propos sur l’augmentation des impayés depuis l’introduction de l’obligation du payement électronique ? J’aurais tendance à vous rétorquer que l’étude empirique commence autour d’un café à la pause de la supervision et que je suis beaucoup trop fainéant pour me pencher sur la question, mais qu’il est un fait certain que lorsqu’un patient recherche une fente pour sa carte, veut me tendre un billet avec un air perfide ou annule la consultation tout en n’ayant pas payé la précédente et qu’il n’est pas encore midi, je vous dirais bien un truc, mais je préfèrerais mille fois que vous le lisiez sur mon T-shirt.
T. Persons
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