Chronique d’un psy : "Quand le psy déménage"
Cette semaine, T. Persons, psychologue clinicien, revient sur un moment particulier de sa vie professionnelle : l’instant où il a déménagé son cabinet.
Il y a de nombreux moments clés dans la vie d’un psychologue clinicien : les études, les stages, le premier job, éventuellement le passage au régime indépendant, la retraite… Pour ma part, j’ai vécu il y a peu un de ces épisodes particuliers en changeant de cabinet. De fait, je fais partie de cette horde de bruxellois dépités, marqués par une crise sanitaire leur ayant fait comprendre qu’il était compliqué de vivre décemment confiné dans un 60 m2 sans devenir hostile à leur entourage. Lorsque l’opportunité de construire ma vie ailleurs s’est présentée, je ne me suis pas fait prier en déménageant outre-ring pour le bonheur sempiternel des habitants de la périphérie.
Bien évidemment, un changement de domicile implique dans certains cas une fluctuation dans le cadre professionnel. De mon côté, autant j’étais guilleret à l’idée de m’enfuir de la capitale, autant l’idée de changer le décor de mes consultations m’irritait au plus haut point. Tout d’abord, il y avait l’administratif. À l’heure actuelle, en tant que psy indépendant, quand on déménage, il n’y a pas de béquille sur laquelle vous reposer. Tout reste flou, il n’y a pas de manuel, il y a juste le bon sens et les infos glanées, çà et là.
Et puis, il faut également trouver un nouvel endroit où s’implanter. Un nombre incalculable de questions résonnent. Et si c’était le mauvais endroit ? Et si le mobilier de bureau ne rentrait pas ? Louer ? Sous-louer ? Déjà meublé ? Mais du coup, je fais quoi de mes futons ? Et puis, n’est-ce pas un peu abusif de me faire payer 200 euros la demi-journée ? Bref, après avoir visité moults endroits et avoir sérieusement envisagé d’aménager une ancienne boucherie en cabinet de consultation, on trouve plus ou moins chaussure à son pied et on se dit que ce n’est que le début.
Naïvement, on croit que certains patients vont nous suivre
En effet, tout est une question de timing. Il est difficile de s’en aller du jour au lendemain d’un endroit pour atterrir dans un autre. On n’efface pas les souvenirs pour reprendre à zéro. Et puis, on travaille en réseau. Il va falloir appeler, se justifier pour les plus insistants. Surtout, il faut trouver les bonnes personnes pour reprendre vos suivis. Naïvement, on croit que certains patients vont nous suivre. Ce n’est pas le cas. Alors on flippe un peu, on se dit que sur l’échelle des mauvaises décisions, on se rapproche de Sandra Bullock quand elle accepte de jouer dans Speed 2. Du coup, on doute. On se dit que s’il existe des cordonniers-serruriers, pourquoi pas des psychologues-bouchers ?
Finalement, on se dit que si on a pu le faire une première fois, on peut le refaire. Et puis, on ne repart pas de zéro. On est spécialisé, on a déjà des pistes, des réseaux à activer. Au début, c’est calme. Et puis, très vite, ça reprend, comme avant. On avait peur de se retrouver sans un patient, et trois mois plus tard, l’agenda déborde comme la graisse d’un costume d’Elvis Presley en 1977.
En conclusion, changer de cabinet, pour un professionnel des soins de santé, ce n’est pas une sinécure. Il faudra du temps, de l’énergie, un budget et un capital patience pour affronter le shopping chez Ikea mais, globalement, au bout de quelques mois, on y survit. Certes, on va y laisser quelques plumes mais finalement, on ne se retrouve pas dans un décor de boucherie à découper des carcasses de bœuf pour arrondir les fins de mois et ça, c’est déjà une belle victoire.
T. Persons
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