Chronique d’un psy : "La consultation, avec ou sans TVA ?"
Depuis le 1er janvier 2022, un chamboulement vient titiller les professionnels des soins de santé. En effet, seules les prestations à visée thérapeutique peuvent encore être exonérées de TVA. Après avoir pris connaissance de la circulaire, T. Persons s’en questionne.
C’était dans les tuyaux depuis un certain temps déjà et voilà, on y est : l’administration fiscale s’intéresse enfin aux professionnels des soins de santé. Eh bien oui, à force de se plaindre d’être délaissé par notre Gouvernement, il fallait bien s’attendre à ce qu’il réponde à nos griefs. Et de quelle manière ! Le sens du timing est parfait, dans un Vaudeville, on ne ferait pas mieux ! Travail accru, manque de moyens et de reconnaissance, que nenni ! Ce que l’on veut, c’est vous taxer. Aller gratter là où on peut. Toujours plus loin, toujours plus fort…
Vous me direz, les psychologues sont-ils réellement concernés par cette circulaire ? En un mot : oui. De fait, finie l’exonération pour tout ce qui n’est pas lié à un acte thérapeutique. C’est clair, c’est précis. Ne trouvez-vous pas ? Quant à la définition de ce qui est thérapeutique, l’appréciation est – heureusement – laissée au professionnel qui devra s’en justifier en cas de contrôle. Du coup, je me suis demandé, dans ma pratique, qu’est-ce qui est susceptible d’être taxé ? En soi, rien. Et en même temps, tout, en fonction du curseur où je pousse l’interprétation de ma définition. Une expertise ? Un bilan ? Un rapport ? Un suivi dans le cadre d’une prestation sportive, artistique ? Une prévention au burnout ? Un accompagnement dans le cadre d’un changement de carrière professionnel ? Un groupe de parole sur l’estime de soi ? Par ici le grisbi, les fraudeurs !
Qui profite du changement ?
Soit, l’interprétation est large, mais, je me suis dit, quitte à faire les fonds de tiroir pour ramasser la monnaie, autant y aller pleinement. Avec panache ! Et pourquoi ne taxerait-on pas ce qui n’est pas effectivement thérapeutique. À l’acte, mesdames et messieurs ! Une intervention un peu bof ? La TVA, sur le champ ! Un patient qui ne s’engage pas dans le processus ? Par ici les 21 % ! Et puis, si on va plus loin, on pourrait se dire que sur une consultation, on n’est pas sur du 100% thérapeutique. La fin de la séance, la reprise d’un rendez-vous et toutes ces banalités avant de rentrer dans le vif du sujet, tout cela n’est pas thérapeutique ! Vous me virez toutes ces niaiseries de votre temps de travail ou alors ! Et si on se dirigeait vers une taxation mixte ? Une consultation à moitié soumise à la TVA et l’autre non ? C’est pratique, c’est convenant, non ?
J’entends déjà les plus alertes d’entre vous tempérer mes propos. Certes, protéger l’exonération uniquement pour les personnes qui peuvent se défendre d’appartenir au secteur des soins de santé, c’est s’assurer que ceux qui sortent du champ soient soumis à la TVA. Un avantage pour le psychologue clinicien ? Pas vraiment. Pour le patient ? Cela le protège-t-il d’aller chez quelqu’un de non-formé ? Non, il payera juste plus cher. Du coup, qui profite du changement ? Ah, oui...
En conclusion, j’aimerais, pour la forme, rendre grâce aux têtes pensantes derrière cette flamboyante circulaire. Merci à l’administration fiscale de veiller à la bonne pratique thérapeutique de notre profession. On sent de l’intérêt à recadrer nos interventions de manière à ne pas dévier du thérapeutique et non une façon pernicieuse de subtiliser quelques écus, là où on peut. Et puis, merci à nos Élus d’avoir pensé à nous. On sent tout le respect que vous nous témoignez, toute l’empathie face à la charge administrative accrue qui nous incombe. La compréhension transpire tellement qu’on pourrait se baigner dedans ! Enfin, se baigner, se noyer, s’intoxiquer, on vous laisse le soin de définir le concept... Ce qui est sûr, ce que la manœuvre est relativement loin d’être thérapeutique.
T. Persons
[Les autres chroniques d’un psy] :
- "Afficher le prix d’une consultation ?"
- "Rififi à la Compsy"
- "Une question de confiance envers son thérapeute"
- "L’obligation vaccinale"
- "Un effort pour aider les psychiatres"
- "Des psy itinérants ?"
- "Le remboursement des soins psychologiques"
- "De la publicité pour la psychologie de 1ère ligne"
- "L’uberisation des psychologues"
- "A propos des demandes de rapports psychologiques"
- ’’Comment vont les psy ? ’’
- "Un psy pour sauver les indépendants en détresse ?"
- "Les psy, ça ne compte pas…"
- "Vaccinez les psy !"
- "L’art de communiquer comme la Compsy"
- "Le savoir-faire du psychologue"
- "Un petit coup de pub…"
- "Je ferai le virement…"
- "Petit pas vers le remboursement des entretiens"
- "Une psychologue au Celeval : une bonne nouvelle ?"
- "Psychologue clinicien : un métier dangereux ?"
- "La position d’expert"
- "Un psychologue face au tracing"
- "À propos de la précarité"
- "Soignants, consultez ! C’est gratuit !"
- "Vers une solidarité politique ?"
- "Je ferme mon cabinet pour le bien de la collectivité"
- "La thérapie masquée"
- "La vidéo-consultation en thérapie"
Commentaires - 1 message
Ajouter un commentaire à l'article