Chronique d’un psy : "Quand un psy s’en va"
Fort touché par le départ de l’un de ses confrères, T. Persons nous revient avec une chronique où il est question du décès des professionnels des soins de santé et de la difficulté de continuer à travailler sans eux.
Alors que le quotidien vient nous frapper de plein fouet avec une actualité aussi réjouissante qu’une crampe en plein marathon, d’un point de vue plus personnel, j’ai dû faire face à quelque chose d’inédit et devant lequel je me suis bien vite trouvé démuni : la mort soudaine d’un confrère.
Démuni ? On pourrait croire, de prime abord, qu’un psychologue, ça a les clés pour faire face à un deuil. L’adage dirait que les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés. Je pense, en effet, qu’il y a quelque chose de l’ordre du tabou chez les professionnels des soins de santé : la mort. Notre propre mort et par extension, celle de nos collègues. Un tabou relatif, certes, mais de fait, lorsqu’un professionnel des soins de santé s’en va, il y a comme un vide. Irremplaçable, immortel, on évite de se poser ces questions qui, d’une manière très pragmatique, viennent frapper à la porte. Quand quelqu’un d’utile, dont les activités sont souvent floquées d’un secret professionnel, d’une confidentialité et d’une spécificité qui le rendent unique, tend à disparaitre, on se retrouve vite avec un tas de difficultés à gérer. À se dire qu’il serait quand même plus pratique si les psy étaient interchangeables. Ce n’est pas le cas.
Il n’y a pas de guide du deuil parfait
Et puis, en dehors des difficultés organisationnelles, il y a la perte. Le manque. La sensation que l’autre vous abandonne. Parce qu’on ne fait pas ce métier par hasard, il y a de fortes chances que l’être disparu va laisser un vide immense. Finies les intervisions, les débats, les conseils. Tout cela passe à la trappe en vous laissant un goût de trop peu, des regrets de ne pas avoir été plus présent, de ne pas avoir pris le temps. Il reste des tas de questions pour lesquelles on n’aura plus de réponse. Un sentiment d’inachevé qui vous laisse un goût horrible en bouche, celui de la tristesse, de l’injustice, de la colère, de la détresse…
Sommes-nous mieux armés pour faire le deuil d’une personne que l’on estime ? Non. Il n’y a pas de guide du deuil parfait. Il n’y a pas de recette miracle. Il s’agira de prendre le temps, d’être bienveillant. Et puis, plus spécifiquement, quand un psy s’en va, c’est toute une profession qui saigne, indubitablement.
En conclusion, Michel, ton décès m’a laissé sans voix. Le monde de la psychologie clinique belge perd un homme qui a consacré son énergie à lui donner plus de sens. De mon côté, égoïstement, j’ai le sentiment de perdre l’un de mes lecteurs les plus critiques, les plus affutés, les plus érudits qu’il m’ait été donné de rencontrer. Nos échanges resteront gravés dans un coin de mes souvenirs et je m’y réfugierai lorsque le doute viendra envahir mes pensées. Certes, T. Persons est orphelin, mais j’aime à penser que, d’une certaine manière, en aiguisant au quotidien sa plume par nos échanges, tu fais désormais partie de lui, à jamais.
T. Persons
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