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Chronique d’un psy : "Psychiatre, psychologue, psychothérapeute : la différence…"

17/05/22
Chronique d'un psy :

Cette semaine, T. Persons nous partage son point de vue sur la différenciation que l’on fait dans les médias entre le psychologue, le psychiatre et le psychothérapeute.

Il y a peu, j’ai lu un truc. Ça m’a fait quelque chose. En première intention, j’ai cru que c’était une blague. Vous voyez, du genre d’un autre temps, sortie de la bouche de Bigard qui l’avait chopé du gosier de Michel Leeb, alors que lui-même l’avait volé des dents d’un Tex qui s’apprêtait à la vomir. C’est l’histoire d’un psychologue, d’un psychiatre et d’un psychothérapeute qui rentrent dans un cabinet et…

Soit, il ne s’agissait pas d’une histoire drôle, mais d’un article issu d’un grand média francophone qui tentait de différencier le psychiatre, le psychologue et le psychothérapeute. A priori, rien d’extravagant. Comme chaque année, ça commence à sentir les vacances dans les rédactions, il faut du contenu et donc, on demande à la rédaction de rédiger le même article qui a déjà été pondu 40 fois. Sauf que, cette fois-ci, la personne a été bien inspirée. Elle a demandé à la psychiatre consultante de la chaîne de lui donne un coup de main…

Vous me direz, mais il est très bien cet article, non ? Ah, mais oui, c’est une grille de lecture très claire. C’est ordonné, c’est propre, c’est cloisonné, tout rentre dans des petites cases, on se croirait dans le DSM V ! Certes, on pourrait y voir un classement, comme une sorte de top trois des praticiens de la santé mentale. En haut, il y a la Rolls-Royce pour les dingos : le psychiatre. L’homme de Rio ! Le Surhomme de Nietzsche ! Celui qui tombe à pic et qui résoudra TOUS VOS PRO- BLEMES ! En dessous, pour toute prestation qui pourrait potentiellement entacher le prestige du psychiatre, il y a le psychologue clinicien. Celui-ci ne peut prescrire ni des pilules, ni du temps. Il ne peut pas non plus faire de diagnostic différentiel, ses cinq années d’études ne se focalisant pas sur les pathologie mentales, mais sur l’art de faire des mandalas et des cœurs avec les doigts, il n’en est absolument pas apte. Bref, il ne sert à rien. Éventuellement, il peut répondre au téléphone, balayer le cabinet du psychiatre et faire le café, mais toujours sous supervision, voyons. Il ne faudrait pas qu’il puisse avoir un contact avec qui que ce soit.

Et les autres courants ? Eh bien on s’en masse !

Puis, en bas de l’échelle, il y a le psychothérapeute. Alors là, autant vous le dire, on ne sait pas trop, s’il s’agit d’un professionnel ou d’un futur patient. D’une manière globale, le psychothérapeute pratique pieds-nus en sarouel et fait des cookies au pissenlit. Soit, il est psychanalyste et, je cite : « il est assis derrière vous pendant que vous êtes couché sur un divan ». Bien évidemment, il fume la pipe, a une barbe et ne parle pas. Soit, il est cognitivo-comportementaliste et, à nouveau, je cite : « il ne va pas trop s’appesantir sur les traumas de la petite enfance ». L’avantage, ça va vite, c’est chic et pas cher ! Puis, il y a la systémique, les trucs de groupes et toutes ces conneries. Et les autres courants ? Eh bien on s’en masse ! Le plus important est dit, vous avez un problème, vous consultez un psychiatre et puis, basta !

Alors certes, je ne suis pas grand-chose face au tout-puissant. Éventuellement acceptera-t-elle que je complète sa fresque en indiquant comment différencier un « bon » d’un « mauvais » psychiatre ? Allez ! Je me lance ! Le « bon », il donne des pilules, ça coûte une blinde et ça dure dix minutes, alors qu’un « mauvais »… Eh bien, il donne des pilules, ça coûte une blinde et ça dure dix minutes, mais voilà, quoi.

Vous avez le droit de me trouver cynique. Le Guide Social s’adresse à des professionnels de la santé, qui comprendront clairement que derrière l’humour, il y a autre chose, de plus tragique, de plus frustrant qui se cache. Clairement, il s’agit d’un article de plus qui tend à dévaloriser ce qui n’est pas médical. Et non, ce n’est plus ok. C’est profondément injuste. Alors que d’autres se saignent à promouvoir une campagne qui vise à valoriser les métiers du social, d’autres peuvent se permettre de la télescoper en un article pondu en trois minutes parce qu’une psychiatre n’a peut-être ni pris le temps, ni eu l’honnêteté intellectuelle d’approfondir la question. Dans la lutte contre le patriarcat, il y a la toute puissance médicale. Celle qui est au-dessus de tout, qui contrôle, qui fait sa loi, son lobbying et qui dénigre le reste. La santé est plus complexe que le médical, elle se construit avant tout autour du patient, et non du médecin. Amis et amies psychiatres, c’est peut-être dur à entendre, mais vous n’imaginez pas à quel point c’est lourd à subir.

T. Persons

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