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Chronique d’un psy : « Le Noël du psy »

20/12/23
Chronique d'un psy : « Le Noël du psy »

Alors que l’on se rapproche inexorablement de la fin de l’année, T. Persons en profite pour nous parler de ce qu’évoque Noël pour lui, avec sa casquette spécifique de psychologue clinicien.

Ah, les fêtes de fin d’année, c’est toujours un moment particulier pour les psychologues, non ? Une espèce de parenthèse où l’on met le masque du bonheur, teinté de guimauve trop sucrée et de sapins décorés aussi sobrement qu’un pull Desigual. Dès que la Saint-Nicolas apparait, c’est comme si la société vous rappelait qu’on faisait une trêve humanitaire dans la dépression saisonnière, le temps d’évacuer les crises de foie et les cuites au vin chaud. Pour les plus anxieux d’entre vous, ne vous inquiétez pas, la dépression reviendra aux alentours du début du mois de janvier, généralement, après le passage des Rois mages.

Plus sérieusement, il y a dans cette période de fêtes, quelque chose de profondément injuste. N’est pas Erin Brockovich ou Damien Saez qui veut, je n’ai ni la persévérance, ni l’irrévérence de dénoncer quoi que ce soit, mais il est vrai que les fêtes de fin d’année ne font pas que des heureux. Certes, il y a des personnes qui aiment cette atmosphère, notamment les vendeurs de jouets, de vin, de foie gras et autres joyeusetés. Ce n’est pas tellement le fait d’aimer Noël et son ambiance un peu fausse qui pose problème. C’est plus l’injonction au bonheur qui fait froid dans le dos.

En effet, je retrouve dans ma patientèle des tas de personnes qui n’ont pas une famille avec qui fêter Noël, ou quelqu’un avec qui partager sa vie et faire un tour au marché de Noël. Pour les personnes un tant soit peu malheureuse, Noël, c’est une machination orchestrée par un scénariste de talent qui s’est juré d’avoir la peau de toutes celles et ceux qui ne sont pas privilégiés.

"Dépressifs, anxieux, psychotiques, schizophrènes, vous n’existez plus !"

Il est évident qu’il y a quelque chose de très violent dans la manière dont la société traite les estropiés de la santé mentale. Durant un mois, vous n’existez plus ! On vous range au placard, on vous asperge de guirlandes colorées et de mauvais mousseux pour vous chasser hors de la société, le temps nécessaire pour vendre des cadeaux. En effet, j’ai le sentiment qu’en période de Noël, nous traitons la santé mentale de la même manière que le fait la Ville de Bruxelles avec les SDF. Au lieu des dispositifs visant à limiter leur visibilité, on va simplement les empêcher de vivre, en prenant toute la place. Dépressifs, anxieux, psychotiques, schizophrènes, vous n’existez plus ! Barrez-vous !

Dans ce contexte, vous imaginez bien qu’en qualité de psychologue, les fêtes de fin d’années, c’est particulier. Culpabilité de prendre des congés, crise existentielle dans les équipes où l’on travaille quand on annonce qu’on n’est pas vraiment fan des décorations de Noël et que non, Corine, je ne mettrai pas un pull de Noël. Accepter d’être le rabat-joie de service, c’est peut-être laisser de la place à toutes celles et ceux qui, pendant cette période n’en ont plus.

En conclusion, vous l’aurez compris, il m’est difficile d’être enthousiaste vis-à-vis de Noël. Au pire, je souhaite du courage à toutes les personnes qui vont souffrir durant ce mois. Dites-vous bien que ce n’est pas contre vous, il faut bien vendre des aspirateurs, des robots ménagers et le dernier livre de Marc Levy. Vous n’êtes pas la cible, vous n’êtes qu’un dégât collatéral. Soit, on remet les masques. Allez ! Joyeux Noël !

T. Persons

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