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Au travail, toujours plus

06/03/23
Au travail, toujours plus

Notre génération bénéficie de plus de moyens technologiques que toutes les autres auparavant. Logique, avec les années vient le progrès. Mais est-ce bien de progrès dont il s’agit ? Autant le progrès mérite bien son nom lorsqu’il s’agit d’améliorer, entre autre, les conditions de travail, autant il me semble raisonnable de douter de cette appellation à partir du moment où la santé mentale du travailleur est dans la balance.

Si nos conditions physiques de travail se sont, globalement, améliorées avec le temps, il n’en est pas de même des conditions psychologiques. Stress, burn out, harcèlement, désengagement, pénuries criantes dans certains métiers, augmentation des incapacités de travail à long terme … sont là pour en attester. Pourtant, nous n’avons jamais eu autant de moyens à notre disposition pour nous soulager la tâche.

Toujours plus vite

Vraiment ? Il fut un temps, pas si lointain, où les communications écrites, pour ne citer que cet exemple, se faisaient par courrier ou par fax pour les plus urgentes. Et encore, uniquement avec les structures en disposant. Il était admis que tous ne disposent pas de cet outil à l’utilisation onéreuse, aussi, était-il raisonnable d’accepter un délai de traitement et de réponse de plusieurs jours, voire une semaine. Une semaine ? Aujourd’hui, si un mail n’est pas traité dans les deux jours, rien ne va plus.

Prises de recul amputées

Des documents papier ou tapés à la machine, nous sommes passés aux logiciels de gestion, bases de données et autre. Pour répondre à des fins statistiques, ou encore pour permettre à d’autres collègues de prendre la main plus facilement, tout doit souvent être encodé informatiquement. Certes, cela permet de gagner du temps une fois l’an, mais le corollaire est que cela ampute ce moment de pause et de prise de recul sur l’année écoulée. De plus, bien souvent, il s’agit de faire double travail : retranscrire informatiquement des notes manuelles.

Plus d’urgence et plus de complexité

L’augmentation des moyens technologiques à notre disposition s’est accompagnée d’une augmentation de la charge de travail, ou plutôt d’une diminution de la temporalité. Tout doit aller plus vite, tout de suite, tout est urgent, plus rien ne peut attendre. Et force est de constater que pour beaucoup de choses, les démarches sont complexifiées. Là où un simple courrier aurait suffi, il faut maintenant un formulaire en ligne, sur un site qui bugge une fois sur deux et où il est parfois compliqué de s’y retrouver. Sans parler de la panique à bord si le matériel ne suit pas.

Impatience et instantané

La digitalisation crée aussi son lot d’impatients. Chez nos bénéficiaires, chez nos supérieurs, chez nos instances subsidiantes. Le temps semble parfois suspendu, puis tout d’un coup tout s’accélère et il faut se dédoubler. Entre urgence perçue, urgence réelle, impatience dans une société de l’instantané, il y a de quoi se noyer. Et c’est ce que nous faisons. Sans parler de nos sas de décompression qui étaient les trajets domicile / lieu de travail et qui sont plutôt devenus des sas de compression supplémentaires, congestion oblige.

Un seul but : la rentabilité

Notre génération bénéficie certes de plus de moyens technologiques qu’auparavant, mais elle travaille aussi sous la pression qui va de pair avec l’accélération globale de la communication, du traitement des données et la complexification globale liée à la digitalisation. Dans le secteur social, c’est presque un gros mot, mais pourtant elle est bel et bien là : la rentabilité. Un non dit qui pèse son poids et qui s’écrit en filigrane de tous ces progrès technologiques. Un objectif que ces fameux moyens nous permettent d’atteindre. Aujourd’hui, il y a moins de travailleurs pour faire plus de travail, dans la plupart des secteurs, en ce compris dans le social. Ce n’est ni un hasard ni une coïncidence.

Quel est le prix du pas de côté ?

Dans ce contexte, quel est le prix du pas de côté ? De celui que l’on va faire en travaillant plus lentement, en accordant aux choses et aux gens le temps dont ils ont besoin ? En permettant aux projets de mûrir ? Quel est le prix du ralentissement ? Celui qui va permettre au travailleur de décontracter les épaules, de dénouer le ventre ? Parfois, le prix c’est la pénurie, l’absentéisme, le désengagement, le licenciement, l’incapacité de travail. Parfois ce sont aussi les questionnements sans fin du travailleur qui se demande pourquoi il ne se sent pas à sa place ou compétent. Parfois, c’est sortir du cadre pour se rendre compte que ce même cadre oppresse plus qu’il ne contient.

MF - travailleuse sociale

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