Ces employeurs qui engagent des éducateurs spécialisés... qui ne le sont pas
Vous avez certainement déjà vu ça : une petite annonce pour un emploi d’éducateur spécialisé où il est précisé « Recherchons éducateur spécialisé, psychologue, logopède, ergothérapeute … » et j’en passe. Je ne sais pas vous, mais moi ça m’énerve un tantinet. Surtout si la description du poste correspond clairement à un emploi d’éducateur spécialisé. Et encore plus si l’offre d’emploi s’adresse en priorité aux jeunes travailleurs.
En début de carrière, je répondais à ce genre d’annonce. Plus maintenant. J’estime que ce type d’annonce en dit long sur l’employeur, son fonctionnement et sa considération pour la fonction d’éducateur spécialisé. Et honnêtement, je n’ai pas envie de m’engager auprès de personnes qui estiment que nous sommes interchangeables avec un psychologue, un logopède ou une ergothérapeute.
Educateur spécialisé : un travail spécifique
À mes yeux, un éducateur spécialisé accomplit un travail tout aussi spécifique qu’un psychologue, un logopède, un ergothérapeute, ou que tout autre professionnel du social et du paramédical. Ne pas concevoir cela est faire preuve d’autant de bon sens qu’une cuillère à café retournée. Certes, notre titre n’est pas protégé, et c’est bien dommage, car cela éviterait ce type de situations et, à tout le moins, ça aurait le mérite de faire réfléchir (ou pas) ces employeurs qui pensent que nous sommes interchangeables, mais tout de même…
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Certes, l’expérience a de la valeur
Je ne dis pas que l’expérience n’a pas de valeur et qu’un ergothérapeute ou un psychologue qui, par la force des choses, a exercé en tant qu’éducateur spécialisé pendant des années, n’a pas les compétences pour occuper ce type de fonction. Par ailleurs, ce type de personne postulera volontiers pour un poste d’éducateur spécialisé, qu’il soit précisé où non que le poste est ouvert à tous les vents.
Mon propos est qu’il est temps d’exiger le respect dû à notre fonction, à nos années d’études, à notre spécificité, à notre expérience. Alors non, un psychologue, un logopède ou un ergothérapeute fraîchement diplômé n’a pas les compétences pour travailler en tant qu’éducateur spécialisé. Pas plus qu’il ne les a pour travailler en tant que kiné ou qu’assistant social.
Nécessaire décryptage des offres d’emploi
Mon propos vise aussi à alerter sur ce type de dérives et sur le nécessaire décryptage des offres d’emploi. En effet, de nombreux éducateurs spécialisés se plaignent, à juste titre, de ne pas être entendus, considérés et respectés dans leur métier, mais aussi dan leur expertise. Ce qui revient régulièrement lors des discussions entre collègues, c’est cette impression d’être un peu le dernier échelon, la personne occupant une fonction fourre-tout, composée d’une majorité de tâches que les autres ne souhaitent / n’ont pas le temps de faire. Malheureusement, c’est parfois vrai. Et c’est souvent le cas dans les institutions où l’on pense qu’il n’est pas nécessaire d’être éducateur spécialisé pour être éducateur spécialisé.
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Ayons nous-mêmes le respect que nous souhaitons pour notre métier
Alors lisons, décryptons, posons des questions. Ayons nous-mêmes le respect que nous souhaitons que les autres aient pour notre métier. Et osons refuser, si nous le pouvons. Heureusement, il existe des lieux de travail ayant compris la valeur de chaque professionnel, ses apports, la complémentarité entre les fonctions. Il existe des endroits où l’éducateur spécialisé est considéré à sa juste valeur et où sa place n’est pas celle qui n’existe pas, mais bien celle qui est la sienne. Recherchons ces lieux, faisons-les vivre, si nous le pouvons.
Méfions-nous des apparentes ouvertures d’esprit
N’oublions pas non plus qu’un employeur qui pense que n’importe qui peut être éducateur spécialisé n’a que peu de respect pour la fonction d’éducateur. Dès lors, il y a fort à parier qu’il sera particulièrement difficile pour nous de nous faire entendre, de développer des projets, de travailler même autour d’un projet pédagogique.
N’oublions pas non plus que parfois, ce manque de respect de la fonction peut se cacher derrière une apparente ouverture d’esprit, un discours qui prône la recherche de « personnalités spécifiques » plutôt que de diplômes. Certes, il est extrêmement enrichissant de travailler avec des personne issues d’horizons divers, mais il ne faut pas oublier que le professionnalisme doit être de mise, autrement, il en va de l’équilibre de personnes fragilisées.
MF - travailleuse sociale
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