Papotages d’éducs : les études vs la vraie vie
Avec ma copine Justine, éducatrice spécialisée, on a papoté un long moment. On a discuté études, boulot, expériences, équilibre vie pro et perso, etc. On a aussi parlé de comment prendre sa place d’éduc dans une équipe ou un milieu nouveau, des éducs qui ne sont pas diplômés éducs … Bref, on a passé un bon moment et on a décidé de vous en livrer des instantanés.
Justine a fait ses études dans une haute école liégeoise, de laquelle elle est sortie il y a 8 ans. J’ai aussi fait mes études dans une école liégeoise, pas la même, et c’était il y a plus longtemps : 18 ans. Alors, est-ce que les études nous ont préparées à la vraie vie d’éduc ?
Lire aussi : Papotages d’éducs : pourquoi ce choix de métier
Les études…
Justine : « J’ai beaucoup aimé mes études, mais j’en garde un souvenir en demi-teinte. Ma première année était vraiment géniale, mais en deuxième, mon petit-ami de l’époque, qui faisait les mêmes études que moi, est décédé. Ça a été un choc pour tout le monde, car il était très apprécié. Pour ma part, j’ai vécu ma deuxième et ma troisième année comme dans un brouillard. Je les ai réussies, mais je ne me rappelle pas de tout. J’ai totalement oublié certains concepts appris, même si j’ai réussi les examens. J’étais là sans y être. »
J’ai aussi adoré mes études, même si sur le plan personnel, ça n’a pas été de tout repos non plus. Durant cette période, j’ai traversé des difficultés personnelles et familiales assez importantes, qui ont également impacté ma vie estudiantine. En fait, lorsqu’on est étudiant, d’une certaine façon, on est un peu dans une bulle, un genre de sas avant la vie professionnelle, mais d’un autre côté, on n’est pas nécessairement épargné par la vie et ses aléas !
Lire aussi : Quelles sont les études pour devenir éducateur en Belgique ?
Et le sentiment d’être préparé à la vie professionnelle ?
« Oui, j’ai l’impression que mes études m’ont préparée à la vie professionnelle, surtout de par les stages. Pourtant, mon école n’était pas celle qui proposait le plus d’heures de stages, mais il m’a semblé que ça suffisait. Maintenant, j’étais déjà agent d’éducation, et les cours du bachelier étaient tout de même assez pratiques. Je pense que c’était une bonne préparation, mais il ne faut pas se leurrer, c’est la vie professionnelle qui prépare à la vie professionnelle. Ce sont les expériences qui forgent l’éducateur », confie Justine.
De mon côté, je pense la même chose. Les études, ce n’est que le début, ce sont les expériences professionnelles qui forgent l’éducateur, mais aussi les expériences personnelles. Vivre le deuil, les galères à trouver du travail, les galères de logement, la parentalité, etc. Tout ça nous donne de la consistance et nous permet de mieux comprendre les épreuves que traversent les personnes qu’on accompagne. Car si on reste uniquement théoriques, avec nos concepts appris à l’école, les gens le sentent, on n’est pas crédibles à leurs yeux, on ne sait pas de quoi on parle.
Par contre, personnellement, je n’ai pas l’impression que mon cursus m’ait bien préparée à la vie professionnelle. Pourtant, nous avions beaucoup d’heures de stage … Au niveau des cours, mon école était vraiment dans une vision idéalisée du métier d’éducateur, pas en adéquation avec la réalité. Durant la formation, c’était génial, c’est après que l’atterrissage a été rude ! Les stages n’étaient pas non plus représentatifs, je pense. J’ai eu la chance d’être accueillie dans des lieux de stage qui nous considéraient réellement comme étant en apprentissage, et qui nous préservaient du coup des aspects moins reluisants du métier.
Lire aussi : 5 conseils pour trouver un stage en tant qu’éducateur spécialisé
Un conseil ?
« Les études, c’est une boîte à outils, une mallette qui aide dans la vie professionnelle, pas quelque chose de figé ou d’absolu. Il faut arriver à prendre du recul par rapport à ses études, à les considérer comme une base, car ce n’est que le début de l’apprentissage. Mon conseil, c’est vraiment de rester en formation, de continuer à apprendre », pointe Justine.
Ici aussi, je pense vraiment la même chose que Justine. Les études donnent une base, des outils de compréhension, d’analyse, d’action, mais ce ne sont que quelques outils parmi des milliers à notre disposition, il faut rester curieux et ouvert d’esprit. Et multiplier les expériences ! Bénévolat, jobs étudiants, tout est bon à prendre ! Mon conseil serait aussi de rester humble. Lorsqu’on commence à travailler, on a une vingtaine d’années, et même si on a parfois un parcours de vie difficile, on n’en est qu’au début de notre vie, bien souvent à mille lieues de ce que traversent ou ont traversé les personnes que nous allons accompagner.
MF - travailleuse sociale
Découvrez les autres textes de l’autrice
- Travailleur social : premier job, mode d’emploi
- Travailler dans le social : le CDI est-il toujours le Saint Graal ?
- Ces employeurs qui engagent des éducateurs spécialisés... qui ne le sont pas
- Travailler en tant qu’éducateur sans être éducateur spécialisé ?!
- Travailleur social, quel est ton secteur ?
- Travail social : le difficile équilibre du travail en équipe
- Travail social : vulnérabilité et empathie, quand le lien s’en mêle
- Secteur non-marchand : balayer devant sa porte...
- Travail social : vous avez dit piston ?
- Travailler dans le social : ces clichés qui nous collent encore et toujours à la peau
- Travail social : accueillir un nouveau travailleur, mode d’emploi
- Travail social : le pire moment pour lancer un nouveau projet
- Travail social : quand la communication fait défaut
- Ce que j’aurais aimé qu’on me dise lorsque j’ai commencé à travailler dans le social
- Travailleurs sociaux indépendants : vers un système social à deux vitesses ?
- Peut-on soigner en ne prenant pas soin de soi ?
- Rémunération : travailleur social, combien tu vaux ?
- Travail social : comment "gérer" son chef ?
- Gestion d’un projet en travail social : les erreurs à bannir !
- Travailleurs sociaux : réunion d’équipe, les erreurs à ne pas commettre
- Travailleur social : comment démotiver un collègue compétent et investi
- Travailleur social : (se) motiver au changement
- De l’injonction à la résilience chez le travailleur social
- Éducateur spécialisé, le parent pauvre
- Les travailleurs sociaux sont-ils tous sur un pied d’égalité ?
Ajouter un commentaire à l'article