Chronique d'un psy : "Ces psy qui abusent"
Tabou dans la société, cela l’est également au niveau des soins de santé : il y a des professionnels qui profitent de leurs patientes ou de leurs patients. T. Persons nous revient avec son avis tranché sur ces faits et leur impunité.
Cela revient plus ou moins toutes les trois semaines. En effet, les quelques personnes qui connaissent mon identité m’interrogent souvent : à quand une chronique sur le patriarcat ou sur le féminisme dans les soins de santé ? Souvent, je prends un air détaché et je réponds que le plus pertinent, c’est de laisser la place à celles qui en parlent le mieux. J’évite, je louvoie, même si sincèrement, je ne pense pas avoir un avis vraiment ingénieux, novateur ou sagace sur le sujet. Vous me direz, super, tout en attendant le « mais » qui me fera malgré tout vomir mon avis, comme si on me l’avait demandé.
Je n’ai pas envie de vous partager mon opinion, ni ma pensée. En même temps, ça me gratte. En lisant un article paru dans un journal il y a peu, qui évoquait des faits avérés d’un médecin, qui ne voyait pas le mal à avoir des relations sexuelles avec des patientes, je suis resté un peu pantois. C’était gros, ignoble, un peu comme une parodie. Le gars, tout en confiance, qui parle de consentement, alors qu’il a une blouse blanche, un stéthoscope et toute la panoplie de la dominance qui fait qu’il est difficile de lui dire non – on ne dit pas non à Dieu, sinon on brûle en enfer – c’est un peu cliché, non ?
Un silence de plomb dans les institutions
Pourtant, c’est plus que courant. Et on ne va pas se mentir, il y a une sorte de silence de plomb dans les institutions, dans les équipes et dans les regroupements professionnels quand on l’évoque. On sait très bien qui ils sont. On les connait, ceux qui abusent. Les médecins généralistes, les kinés, les spécialistes et puis aussi… les psys. On est mal pris, parce qu’en parler, c’est tabou. Puis, merci l’impunité si on cause, on est mal pris. Quelles sont les conséquences, finalement ? Un médecin n’est jugé que par ses pairs, quand il s’agit d’une erreur. Pareil pour les psy ! Une plainte à la Compsy… Abuseurs tremblez, tout en continuant à vous torcher les fesses avec le code pénal.
En effet, une personne abusée n’a que très peu de recours. Elle n’a pas de preuve. Ah mais oui, le consentement c’est flou, apparemment. Même dans notre code de déontologie, c’est pas si clair. Et moralement ? A-t-on seulement conscience que lorsque l’on est professionnel, la relation est asymétrique, même – surtout – quand on est psy. Bref, il y a ceux qui abusent en toute impunité et puis, il y a les autres : vous, moi. Se taire, c’est cautionner ? Oui. Mais en parler, c’est compliqué. C’est tabou. C’est la parole de la victime contre celle du bourreau. Puis, il est quand même sympa, il est brillant. Vraiment ? Il est capable de faire ce genre de chose ? On s’écoute parler, on ravale son vomi et on se sent mal.
En conclusion, idéalement, il faudrait tendre la plume à celles qui ont été abusées, les soutenir, et porter leur voix jusqu’au Procureur du Roi. Pour les professionnels de la santé, je crois qu’il faut qu’on se mette à arrêter de bosser avec des gens qu’on sait dégueulasse. Puis il faut le dire, le hurler sur tous les toits. Il faut que ça se sache ! Et pour les abuseurs ? On ne trébuche pas dans le vagin d’une patiente par accident. Malheureusement, on vit dans un monde où l’on va plus facilement condamner la diffamation que le viol… Malgré tout, j’espère que vous vous reconnaitrez et que vous entendez le bruit des talons. C’est la justice qui arrive, lentement. La parole se libère, les langues se délient. Un jour viendra, mais pour ça, amies et amis psychologues, il faudra se mettre à parler !
T. Persons
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