Chronique d’un psy : « Les psy sont-ils efficaces ? »

Nous vivons dans une société qui prône la rapidité, l’efficience et l’efficacité. Pour autant, ces qualificatifs s’accordent-ils réellement à la pratique d’un psychologue clinicien ? T. Persons s’interroge : les psy sont-ils vraiment utiles ou efficaces ?
Il y a quelques jours, j’ai pris connaissance d’une interview dans un magazine économique qui tentait tant bien que mal de poser des questions à notre Secrétaire d’État à la Digitalisation. Rien de bien concluant, entre deux courbettes sur son salaire et trois approximations sur ses fonctions, j’ai vu une fulgurance aussi rare que les cheveux sur son lisse caillou : et si on rémunérait nos ministres en fonction de leur efficacité ?
Certes, avec des avis pareils on se demande si notre Élu politique travaille à la transition digitale ou s’il vend des vins de Bordeaux à ses heures perdues, en télétravail tout en consommant des boissons énergisantes de sous-marque et du mauvais café dans sa tasse : « Work Hard, Party Hard »... En dehors du cliché que ceux qui obtiennent des résultats devraient être mieux payés, je me suis posé la question dans le sens inverse : et si on leur demandait de rembourser leur salaire si en fin de mandat, ils s’étaient avérés décevants, médiocres ou aussi utiles qu’un pédalo pour un cul-de-jatte ?
Bon, je vous le concède, de prime abord, j’ai passé quinze minutes à me figurer comment opérationnaliser un système d’évaluation de nos politiques faisant l’objet d’une émission en direct à 20h, un jeudi soir sur RTL, tout en imaginant Georges-Louis Bouchez, sapé comme une midinette qui monte les marches de la croisette, préservant malgré lui son air insupportable de juge et de bourreau. Je le voyais déjà distribuer nonchalamment des roses à chaque rescapé, tantôt fragile, tantôt cynique, jusqu’à se planter face à notre secrétaire d’État, et avec toute l’empathie qu’on lui connait – c’est-à-dire, aucune – lui susurrer à l’oreille qu’il était le maillon faible.
"Qu’est-ce qui donne aux psy le sentiment d’être compétent ?"
Assez rapidement, je suis revenu à la réalité tout en me disant que si on devait se permettre de rémunérer les gens en fonction de leur efficacité, j’imaginais mal à quoi ressemblerait le salaire d’un psychologue clinicien. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, bien évidemment, nous sommes toutes et tous pétris d’un talent certain, aiguisé à coup d’études indigestes et de formation continue… Mais a fortiori, il est plus facile de constater l’efficacité d’une benzodiazépine plutôt que celle du psy. Et puis, prouver l’effet bénéfique du thérapeute, c’est rentrer dans une démarche fastidieuse. Parce que, plus qu’un psy, on va surtout évaluer une intervention pour valider son efficacité, peu importe l’intervenant. Alors certes, certaines interventions sont valides scientifiquement, mais par contre, à nouveau, si le psy est aussi approprié que Mathieu Michel dans un concours d’éloquence, il y a de forte chance que le tout ne soit jamais vraiment effectif.
Bref, sachant qu’ils sont tributaires d’outils difficilement évaluables, qu’est-ce qui donne aux psy le sentiment d’être compétent ? S’agirait-t-il d’un feed-back positif d’un patient ou d’un moment précis d’une séance où tout s’aligne, où la métaphore se met bien, où un reflet émotionnel complexe résonne dans la bouche du psy juste au bon moment, de manière naturelle et bien rythmée, la perfection à l’image dans l’entrée de la batterie sur l’intro de Baba O’Riley des Who ?
En conclusion, il est difficile de dire si le psy est utile, de le valider scientifiquement et de le graver dans le marbre une fois pour toutes, avec toute la certitude et le doute que la science peut nous donner… Un soulagement, en somme, non ? On ne pourra jamais nous payer en fonction de notre efficacité ! Et puis, à y réfléchir, finalement, les psy, c’est un peu comme les hommes politiques : il est difficile de juger leur efficacité ou leur utilité mais par contre, quand ils débitent des âneries, leur incompétence est tout de suite beaucoup plus visible…
T. Persons
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