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Chronique d’un psy : "Mes patients préférés"

07/02/24
Chronique d'un psy :

Lorsque l’on parle des psychologues cliniciens, on évoque souvent la question de la neutralité. T. Persons se questionne  : est-on réellement neutre ou finalement, si l’on creuse un peu, au fond de soi, est-il possible que certains patients fassent plus écho que d’autres  ?

Ah les psy  ! Avec leurs petites manies, leur code de déontologie et cette capacité à couper les cheveux en quatre. Avouez que parfois, la manière dont on pense notre cadre de travail est un peu complexe, d’autres diraient, trop intellectuel.

C’est en tout cas ce que m’a confié un ami kinésithérapeute pour qui, les psy, ça pense trop. À vouloir être neutre, à ne jamais parler de soi à ses patients, à se montrer le plus lisse, le plus au centre, finalement, on pourrait limite passer pour des êtres déshumanisés, non  ?

Je me souviens d’une patiente, il y a quelques années, qui m’a dit qu’elle serait prête à payer trois fois le prix de la consultation pour savoir vraiment ce que je pensais de sa situation. La pauvre, me disais-je, si elle savait, elle déchanterait.

En effet, là où d’autres professionnels de soins de santé ont moins comme préoccupation de cacher ce qu’ils ressentent ou ce qu’ils font – parce que finalement, ils s’en fichent de projeter quoi que ce soit, ce n’est pas leur job –, le psy, lui, se doit de rester sur la réserve.

Clairement, ce n’est pas pour autant que le psy est neutre. Il a son avis sur la question. Maintes fois, j’ai envie de dire à ma patiente de quitter son blaireau de mari ou à mon patient que ce n’est pas lui le problème, mais que son employeur est une usine à burnout. Je ne le fais pourtant pas.

Et puis, en dehors de la neutralité, il faut arrêter de croire que le psy n’a pas ses préférences. Confidence  : j’ai mes patients préférés. Ceux que j’aime bien voir. Autre confidence  : il y a des patients que je déteste  ! Ils me gonflent, ils m’horripilent et je me dis qu’un jour, ils sentiront à quel point je ne les apprécie pas. Pourtant, rien ne transparait. En théorie. Après, on ne va pas se mentir, serais-je plus enclin à reprogrammer plus tôt un patient qui ne sait pas venir parce que je l’aime bien  ? Oui. Je sais que c’est mal, pourtant, c’est le cas.

Pour autant, je n’ai pas l’impression d’être irrévérencieux avec les patients que je trouve moins sympathiques. C’est juste qu’il y a des personnes avec qui le courant pourrait mieux passer dans la vie de tous les jours. Certaines personnes qui partagent les mêmes opinions que moi, qui ont les mêmes habitudes, les mêmes préférences. J’essaye de faire que cela ne se voit pas trop, mais on ne va pas se mentir, lorsque l’on aime bien quelqu’un, ça se voit. Cela étant, le cadre reste toujours en place, je ne les tutoie pas, je ne vais pas boire un café avec eux et je ne leur raconte pas ma vie.

En conclusion, le psy peut s’efforcer de tendre vers une certaine neutralité thérapeutique, mais il ne faut pas être dupe, parfois, on ne l’est pas vraiment. Finalement j’essaye de me persuader, en me disant que ce n’est pas tellement grave si certains de mes patients ou patientes se rendent compte que l’on a des points communs et que je les apprécie, tant que je fais tout mon possible pour ne pas montrer à ceux que j’estime moins, à quel point ils m’irritent  !

T. Persons

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