Chronique d’un psy : "Pour qui votent les psy ?"
Les élections de juin arrivant à grands pas, T. Persons se questionne : est-ce qu’un psy, ça vote et puis surtout, les professions de soin de santé, ça vote pour qui ?
Je me suis posé la question alors que mon patient de 13h – celui post-digestion qui nous donne envie de faire la sieste – me narrait d’une manière très détaillée pour qui il allait voter aux élections fédérales. Je vous avoue, je fais partie des indécis. Disons-le différemment, je fais partie des opportunistes. Je ne suis pas du genre à vouer un culte à des idéaux, comme on prête allégeance à un club de foot ou à une marque de soda. Mes valeurs sont à géométrie variable, en fonction du temps, du contexte et de mon environnement.
Bref, si vous me demandez pour qui je voterais en qualité de psychologue, je vous dirais que mon choix ira vers ceux qui ont un projet sérieux pour nous. Le gouvernement Michel a été catastrophique, celui de De Croo a sauvé les meubles pour éviter que l’on prenne l’eau. Évitons que le prochain gouvernement soit le fossoyeur des soins de santé. À ce niveau, je crois que les positions sont assez claires, il y a ceux qui veulent faire des économies, qui veulent désosser, quitte à aller jusqu’à privatiser, et puis il y a ceux qui veulent investir massivement.
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On ne va pas se mentir, on serait un peu stupide de voter pour des gens qui estiment que l’on est une variable qu’il faut diminuer parce que l’on coûte trop cher. En même temps sur un second axe, il y a une question tout aussi importante qu’il faut mettre dans la balance : celle de la liberté thérapeutique. A-t-on vraiment envie que le gouvernement fixe ce que l’on peut faire ? Nos interventions, leur durée, nos tarifs ? Or, c’est particulier, mais ceux qui veulent investir massivement sont également ceux qui veulent nous retirer toute liberté de choix.
Je rêverais d’un gouvernement d’experts en soins de santé
Moi, je vous avoue, je rêverais d’un gouvernement d’experts en soins de santé. Des médecins, des psy, des kiné. Des gens qui pratiquent et qui comprennent l’ensemble des structures qui existent. Des femmes et des hommes qui ne vont pas franchir une ligne entre les salariés ou les indépendants. Qui vont nous valoriser, comprendre la plus-value que l’on apporte à la société. Des personnes pondérées qui ne voudront pas nous imposer une manière de travailler, des individus mus par le désir d’ouvrir le champ des possibles aux soins de santé tout en leur faisant confiance. Ah mais ça existe, me demanderez-vous, prêt à voter pour celle ou celui qui incarnerait cette vision idéale pour toutes et tous ? Non, cela n’existe pas.
En effet, au niveau des soins de santé, j’ai le sentiment de me retrouver comme un électeur Français qui doit choisir entre la peste et le choléra. Il va falloir décider du moins pire. Celui qui a une proposition pas trop dégueulasse, qui ne veut pas faire de nous des agents du Parti ou des publicités ambulantes pour Big Pharma. J’ai épluché les promesses électorales vis-à-vis du secteur des soins de santé et vraiment, je sais pour qui je ne voterai pas, mais c’est difficile de savoir pour qui voter. Rien ne convainc. Puis, il y a ce doute, une promesse vaut-elle encore quoi que ce soit ? Ne va-t-on pas sacrifier son programme politique pour monter au pouvoir ? À ce jeu-là, même s’il y a un engouement, ne verra-t-on pas tout s’effondrer une fois les urnes pleines ?
En conclusion, je ne sais pas pour qui les psy devraient voter. Je peux éventuellement vous dire pour qui il ne faudrait pas le faire. Je ne le ferai pas, il n’y a rien de plus détestable que de ne pas laisser le choix. Après tout, on dit souvent que la politique est le reflet de la société. On a les politiciens qu’on mérite, votez en conséquence parce qu’en dehors des soins de santé et de notre petit nombril, c’est finalement plein d’autres enjeux qui dépendent de votre voix.
T. Persons
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