Chronique d’un psy : « Travailler avec les autres »
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Il est une chose que le psychologue fait rarement seul, c’est travailler. T. Persons nous raconte quelques anecdotes et fournit quelques pistes quand travailler avec d’autres devient compliqué.
Souvent, les psy ont roulé leur bosse. Loin de moi l’idée de dépeindre le psychologue comme un aventurier qui change d’employeur, de casquette ou de fonction tous les deux mois, mais il est assez rare de croiser des psy qui font la même chose depuis la fin de leurs études. De fait, j’ai moi-même usé des services, des équipes diverses et variées dans des contextes enrichissants et d’autres qui m’ont donné envie de dissoudre le genre humain dans l’acide fluorhydrique.
Il n’est pas rare, au détour d’une formation, d’une journée d’étude, voire lors de courses dans un supermarché, de croiser d’anciennes personnes qui ont fait votre quotidien, durant un certain temps. Quand les souvenirs sont bons, tout est beau. Une nostalgie du passé inonde la pièce ou le rayon, et c’est assez agréable. Quand les réminiscences sont un peu moins douces, on esquive, on évite. Au pire, on est satisfait de voir que l’ancien collègue devient chauve ou qu’il a pris du poids. On feint l’indifférence, ou on joue même la carte de l’hypocrisie, le temps d’une banale discussion.
Puis, il y a toujours cette personne. Celle qui vous a un jour fait quitter un endroit, tant elle vous était toxique. Celle qui vous faisait sentir minable, qui entravait votre bon fonctionnement, qui massacrait votre havre de paix professionnel. Bref, beaucoup d’entre nous ont déjà préféré jeter la paire de chaussures, parce qu’il ne s’agissait pas d’une écharde dans le pied, ni d’un caillou, mais d’un godillot qui ne vous convenait pas.
"Quand les psy sentent que l’environnement de travail est horrible, ils s’en vont"
Pour ma part, elle s’appelait Justine (nom d’emprunt). Elle n’était peut-être pas méchante et elle n’était pas tellement toxique aux yeux des autres. Elle était profondément stupide. C’est un fait. Il y a des gens avec qui on doit travailler qui n’ont pas le gaz à tous les étages. Ce n’est pas un jugement de valeur, ni du snobisme. Je ne prétends pas être plus intelligent que mes pairs et après tout, on est tous le con de quelqu’un, mais disons que, sur une courbe de Gauss de QI, elle dévierait de plusieurs écarts-types, par la gauche. Or, travailler avec un psy qui ne partage pas votre sens du travail, et qui, non par méchanceté, mais par simple mégarde, manque de réflexion ou bêtise assumée, vous saborde à peu près trois fois par jour, ça use.
Souvent les psy, quand ils sentent que l’environnement de travail est horrible, ils s’en vont. Et c’est très bien ainsi. La Justine en question a pris deux ans de mon quotidien de psy, l’a essoré à la moulinette de sa stupidité, et m’a laissé avec une estime de moi nauséabonde et une vision détestable de mon métier. J’aurais aimé qu’à l’époque, on me dise plus tôt que ce n’était pas moi le problème, que parfois, des personnes ne sont pas à la bonne place, mais elles s’accrochent et rien ne les fera partir. Il faut avoir le courage de dire stop et de se rendre compte qu’il y a plein d’autres institutions qui rêveraient de vous avoir et que ce n’est qu’une question de temps avant que vous franchissiez ce pas.
En conclusion, si vous aussi, vous travaillez avec une Justine – on s’entend, il y en a des très bien – il est d’usage de vous prodiguer un conseil pertinent : barrez-vous ! Vite ! Et si c’est déjà fait, soyez fier de vous. Et si, comme moi vous croisez l’objet de vos tourments au rayon des sodas et des jus de fruits, soyez fermes, prudents ou hypocrites. On s’en fout, le passé est le passé, vous méritez un environnement de travail qui vous convient et ce n’est pas à vous de recycler ce qui est toxique.
T. Persons
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