Chronique d’un psy : « Les psy conventionnés itinérants »
Interloqué par une sortie dans un média du réseau de santé namurois, T. Persons revient sur la philosophie de la convention INAMI concernant les psychologues cliniciens : l’ « outreaching ».
En parcourant un article de presse la semaine dernière, je me suis demandé ce qui était passé par la tête du coordinateur du réseau santé Namur. S’agissait-il de publicité ? « Si tu ne vas pas chez le psy, le psy ira à toi ! ». On imagine déjà le psy, vêtu d’un chapeau haut-de-forme qui pointe du doigt sur une affiche de propagande avec comme slogan : « Proche et pas cher ». C’est vrai qu’on nous tanne avec le rapport des soins de santé à la publicité, mais finalement, pour les réseaux, tout est permis ?
Il faut le dire, on a du mal à se convaincre de la philosophie « outreaching » de notre nouvelle convention… De prime abord, il y a quelque chose de beau. Rendre les soins accessibles pour ceux qui aurait un problème d’accès, qu’il soit de l’ordre des finances ou de la mobilité. Rendre le psy mobile, en voilà une idée qui a de la gueule. Le problème, il n’est pas dans la philosophie, mais plutôt dans l’implémentation. Qu’est-ce qui va faire bouger les psy ? La juste rémunération ? Le sens ? Les deux ! Or, il semble que la plupart des psy conventionnés soient réticents à l’idée de sortir de leur cabinet. Sont-ils fainéants ? Y a-t-il une demande à le faire ? Les deux ?
Du coup, vous connaissez la chanson : il y a du budget, il faut l’utiliser. On en arrive donc à se dire que si le psy ne veut pas sortir de son cabinet, et bien, on l’y forcera. D’abord la carotte : vous aurez plus d’heures si vous lancez un projet en dehors du cabinet. Puis, le forcing, la pression. Et le sens ? Ah. Vous êtes sûr qu’il faut les deux ? Allons-y gaiement, on s’en fout que ça fasse sens, tordons le cou à ce qui pouvait rendre cette convention novatrice, il faut sortir du cabinet coûte que coûte !
« Ce qu’il nous faut, c’est des psy dans les boucheries, dans les restaurants, dans les bars, voire dans les banques ou les sex-shop »
Donc, pour les psychologues en mal d’inspiration, j’ai certaines pistes : oubliez les CPAS ou les pharmacies, ce n’est pas assez novateur. Ce qu’il nous faut, c’est des psy dans les boucheries, dans les restaurants, dans les bars, voire dans les banques ou les sex-shop. Mieux, poussons le concept du psy mobile un cran plus loin : pourquoi pas une association psychologue-ferrailleur : « Je prends vos radiateurs, votre ferraille, vos vieilles machines à laver, vos petits électro-ménagers et en plus, pour 11 euros, vous pouvez consulter le psy à l’arrière du camion. » Ça a de la gueule, non ?
Et si on se lançait dans une opération itinérante conjointe à l’action du Télévie ? Vos animateurs préférés de chez RTL qui passent en premier, suivi d’un van des réseaux de santé qui déroulent dans les patelins pour faire des consultations ! Ça, c’est de l’outreaching ! Là, c’est novateur. On va en user du budget, surtout en frais d’essence.
En conclusion, proposer la possibilité au professionnel de se déplacer pour aller au plus près de la demande, c’est une noble chose. Lui imposer d’aller consulter ailleurs que dans son cabinet parce que ça va générer de nouvelles demandes et coller à un besoin politique d’user tout le budget de la convention, c’est peut-être une manière d’instrumentaliser une convention qui m’interroge. Vous me direz, il exagère, T. Persons, à présenter les faits d’une manière absurde, on perd le sens de ce qu’on a voulu nous communiquer. Certes, mais à force de communiquer d’une manière très naïve, on déforme la réalité et on impose un cadre de travail qui n’a plus de sens à des psychologues qui sont – a priori – plus mû par l’utilité de leur travail que par l’argent que cela va générer.
T. Persons
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