Chronique d’un psy : "Les psychologues et l’argent"
Les revenus des professionnels de soins de santé ont souvent été inégaux. Or, avec l’avènement de la nouvelle convention de soins psychologiques de première ligne, T. Persons se pose la question : les psychologues sont-ils enfin décemment rémunérés ?
Je ne sais pas pour vous mais pour ma part, la relation à l’argent, c’est compliqué. Ce n’est pas non plus que c’est tabou et il y a des espaces où je peux en parler librement, mais toujours avec pudeur, sans vantardise. Il faut le dire, les psy, on revient de loin ! De tous les professionnels de soins de santé, s’il y en a un qui a un rapport très complexé à l’argent, c’est le psy !
Le sentiment que j’ai souvent, c’est un peu comme si on ne pouvait pas aider mentalement les gens à aller mieux et en même temps, être décemment rémunéré. De fait, il règne encore dans certaines sphères de soin, une idée reçue qui – si elle ne précarisait pas les psy – pourrait peut-être même être romantique : celui du saint sauveur qui ne gagne pas le sou, mais qui donne tout ce qu’il a comme énergie pour se mettre au service des usagers, des patients… Finalement, pour être efficace, faudrait limite être pauvre, démuni, quasiment en état de souffrance.
Dans ce contexte-là, vous imaginez bien, les psychologues cliniciens indépendants dénotent. De fait, ils arrivent avec leurs gros sabots à créer leur job, sans subside. lls viennent concurrencer d’autre structures qui malmènent des psy et leur demande de faire des prix au rabais, mais d’être suffisamment rentables.
Et puis, soudainement, le conventionnement est arrivé !
En effet, on a commencé à reprocher aux psy de coûter cher ! Une honte ! 50 euros ? 60 euros ? 70 EUROS ! Sentez-vous coupable, malappris, de faire payer autant à votre patient ! Et puis, soudainement, le conventionnement est arrivé ! Et là, finie la culpabilité, le patient – enfin celui qui a de la chance d’avoir un psy conventionné – ne paie quasi plus rien. Cela devient dérisoire. Et le psy ? Caramba ! Il n’a jamais aussi bien gagné sa vie.
Bien évidemment, cela concerne une poignée de psychologues, mais finalement, on peut se poser la question, pour un psy conventionné qui voit ses revenus augmenter de 30 à 40 pour cent, il y a quelque chose d’assez particulier qui se produit. Il devient plus aisé. Est-ce une honte ? Doit-il se sentir coupable ? A priori, non, mais on le sent, il règne une sorte de malaise. Comme si on ne le méritait pas ! Dingue, non ? Pourquoi d’ailleurs seulement les psy ? On sait tous que les médecins brassent du fric à foison et ils ne se sentent jamais coupables, eux. Peut-on être justement rémunéré et être psy ?
Peut-être est-il temps de se dire qu’on peut être psy et bien gagner sa vie ?
En conclusion, cette semaine, j’ai pris le temps de discuter avec d’autres professionnels de soins de santé. Pour eux, il n’y a pas vraiment de pression à rester pauvre pour bien faire leur job. Il n’y a que chez les psy où se pose cette question de la juste rémunération. Comme si on n’y croyait pas, que cela ne valait pas autant ! Comme si le psy usurpait et qu’il fallait rester sous les radars pour éviter de se faire prendre en pleine supercherie.
Pendant ce temps-là, les coachs, mentalistes, cracheurs de feu et diseurs de bonne aventure, eux, ne se privent pas pour demander des tarifs exorbitants, sans vergogne ! Alors, peut-être est-il temps de s’affirmer, d’être fier de son métier et de se dire qu’on peut être psy et bien gagner sa vie ? Avec pudeur, bien évidemment, on n’est pas fous, non plus !
T. Persons
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