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Chronique d’un psy : "Psy conventionné : de l’evidence based à la thérapie douteuse"

22/02/24
Chronique d'un psy :

Il y a quelques semaines, un article de Test Achat nous renvoyait qu’un panel de thérapies groupées pris en charge par l’INAMI ne semblait pas correspondre aux standards scientifiques en termes de prise en charge psychologique. T. Persons nous livre son commentaire.

Ça pullule comme des mouches autour d’un mets avarié. Ils sont là, dans mon flux Facebook ou sur LinkedIn, à me bombarder avec leurs images ringardes floquées d’un logo de réseau de santé mentale  : les fameux groupes de psy conventionnés  !

De prime abord, je pense pouvoir me targuer de comprendre la finalité d’un groupe à l’image de ce que le SPF Santé voudrait pour notre convention  : de la prévention  ! Mieux vaut prévenir que guérir, ou mieux, dans la langue de Shakespeare  : «  One apple a day keeps the doctor away  ». Sauf que dans ce cas précis, Test Achat nous informe que la pomme des psy est parfois un peu douteuse…

De l’equicoaching, des cercles de connexion, de la marche holistique ou encore des constellations familiales… On est bien loin du protocole de thérapie cognitivo-comportementale, certes. On est même assez loin de la psychologie clinique, non  ? Et pourtant, ça fleurit, sans aucun contrôle apparent. Que font les réseaux  ? Ils poussent à faire des groupes, non  ?

Alors, cela vaut ce que cela vaut, mais j’ai un peu potassé sur le concept du groupe en santé. Oui, il est vrai que le SPF Santé et son ministre tendent à prendre un virage qui nous rapproche des nobles concepts tels que les soins communautaires et les soins de proximité pour toutes et tous. Est-ce une bonne chose  ? Avec un budget conséquent, oui  !

Test Achat pointe une dérive

Ici, le problème, c’est que l’on a – peut-être – tendance à instrumentaliser le concept pour épargner quelques euros. De fait, faire de la prévention en groupe, c’est utile. Faire de la thérapie ou du curatif en groupe a un avantage dans un certain nombre de pathologies mais surtout beaucoup d’inconvénients. Celui qui est gagnant, in fine, c’est celui qui doit rembourser le professionnel qui a géré le groupe, plutôt que de faire de l’individuel.

Alors certes, si on fait l’amalgame entre le thérapeutique et la prévention pour financer des groupes et pousser les psy à créer tout et n’importe quoi comme offre pour user le budget et nous montrer que la thérapie groupale, ça fonctionne, n’en arriverait-on pas à un usage abusif et des dérives notoires  ?

Imaginez, si on proposait ce genre de concepts aux autres professions de soins de santé  ? Le groupe ça coûte moins cher. Donc, amies et amis dentistes, oubliez de faire de la prévention en groupe chez les enfants. Passez au curatif de groupe  ! Une fraise pour cinq patients, mis en cercle et on soigne tout d’un coup. Allez hop  ! Merci les économies  ! Mieux  ! Des groupes de dépistage du cancer du sein  ! Ou des chimiothérapies groupées  ! Et pourquoi pas la palpation de la prostate en groupe  ?

En conclusion, Test Achat pointe du doigt une dérive, celle qui pousse les psy à faire n’importe quoi sauf de la thérapie en groupe, pour user le budget d’une convention. Faut-il pointer les psy  ? Les réseaux de santé mentale  ? Le SPF Santé  ? Je crois que les manquements viennent à tous les niveaux, et c’est dommage, parce qu’en vrai, la thérapie de groupe, quand elle est adéquate, quand elle est pensée dans un cadre approprié, elle est efficace  !

T. Persons

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