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Chronique d’un psy : "Quand la situation du psy est précaire"

24/05/24
Chronique d'un psy :

Les revenus des professionnels de soins de santé ont souvent été inégaux. Or, avec l’avènement de la nouvelle convention des soins psychologiques de première ligne, T. Persons se pose la question  : c’est une bonne situation, ça, psy ?

Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, la relation à l’argent, c’est compliqué. Ce n’est pas que c’est tabou, et il y a même des espaces où j’en parle librement, mais il faut dire, les psy, on revient de loin  !

Ce sentiment de honte, de ne pas pouvoir gagner décemment sa vie sur le dos de la souffrance humaine, alors que visiblement on agit sur la détresse pour en définir les contours et tenter de la résorber, c’est très commun… Du coup, avec l’avènement de la convention, certains psy se sont mis à très bien gagner leur vie. Et c’est ainsi que l’on a commencé à voir des psy indépendants qui créent des sociétés ou qui se mettent à rouler dans des voitures un peu plus luxueuses. Mazette, le psy s’embourgeoise  !

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À côté de ça, il y a ceux qui ne sont pas conventionnés. Là, par contre, c’est plus compliqué. Parce qu’il faut dire, la concurrence offre des consultations à 4 ou 11 euros. Puis, c’est pas comme si les mutualités proposaient un remboursement conséquent. Bref, souvent, on brade les prix, on est tout gêné de demander 50 ou 60 euros. On n’ose pas demander plus, parce qu’on a l’impression que c’est compliqué pour le patient de payer. On trouve des astuces, on réduit le temps des séances, pour caler un patient ou deux en plus, histoire de s’y retrouver.

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Un fossé se crée entre les psy conventionnés ou ceux qui ne le sont pas

À l’heure actuelle, j’ai le sentiment qu’un fossé se crée entre les psy conventionnés ou ceux qui ne le sont pas. Et pour ces derniers, il reste un sentiment amer, celui de devoir faire payer son patient plus cher. Celui de choisir ses suivis en fonction des revenus du patient. On se dit qu’il faut bien gagner sa vie, on ravale le sentiment de honte, à renvoyer les gens vers une première ligne saturée ou vers des SSM qui le sont encore plus. Oui, il faut bien gagner sa vie. Certes, on ne va pas se mentir, ça reste rentable mais pas pour une voiture de luxe. On peut en vivre, si on accepte d’avoir un volume de consultation conséquent.

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La précarité, elle ne va pas forcément se chercher dans ce que gagne un psy, mais plus dans les droits qu’on lui octroie, ou pas. Par exemple, ma situation financière est, j’en ai la profonde conviction, assez saine. Pourtant, mon banquier me refuse un prêt. Non pas parce que je ne peux pas lui montrer que je gagne décemment ma vie, mais plutôt parce que je suis indépendant, et qu’il considère que je représente un risque.

Ah  ? Mais quel risque exactement  ? Qu’un jour, on vive dans un monde où il n’y aurait plus besoin de psychologues  ? Mon banquier fait-il une différence entre moi et un médecin  ? Est-plus sécurisant si c’est l’Inami qui me paye  ? Vous me voyez venir avec mes gros sabots  : les psy conventionnés auraient-ils plus de droits que ceux qui ne le sont pas  ?

En conclusion, j’ai beau rappeler à mon banquier que nous vivons dans une société où l’on a autant besoin d’un psy que d’un dentiste, il ne me comprend pas. Peut-être devrais-je lui dire que si on suit sa logique, il est plus à risque que moi  ? C’est quoi le risque  ? Décidemment, tous les chemins mènent à la convention. Alors, amies et amis psychologues, ne ratez pas le train, s’il s’arrête devant chez vous…

T. Persons

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