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Chronique d'un psy : "Tout le monde est psy"

09/05/24
Chronique d'un psy :

Alors que les études en psychologie n’ont jamais été aussi prisées, T. Persons revient sur le maquignonnage du siècle  : et si les études de psychologie ne servaient à rien  ?

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la société  : tout le monde est un peu le psy de l’autre. Et c’est très bien. L’autre jour, alors que le consensus social me renvoyait qu’il est de bon ton d’échanger des banalités avec des parents qui viennent eux aussi chercher leurs bambins à l’école, on m’a demandé ce que je faisais dans la vie.

Vaste question, d’ailleurs, qui, si elle venait se frotter à mes ruminations nocturnes, pourraient aisément déclencher une hyperventilation. Bref, j’ai indiqué que j’étais psychologue clinicien. Et là, comme si de rien n’était, on vient s’approprier mon métier  : "Oh, moi aussi, je suis un peu psychologue, je suis pédicure". Ah. Bien essayé Chantal  ! Ça commence par la même lettre, mais c’est pas vraiment le même métier.

Il y a peu de métier où on s’approprie le savoir-faire de l’autre

De fait, on a tendance à croire que nos capacités d’écoute, d’empathie ou de conseils avisés sous deux grammes d’alcool, font de nous de bons psychologues. Comme si les qualités intrinsèques pour scorer bas sur une échelle d’alexythimie était l’élément-clé dans la détention ultime de notre diplôme.

Il y a peu de métiers, quand on y réfléchit, où l’on s’approprie le savoir-faire de l’autre, sans avoir les compétences, ni le diplôme. Je n’ai jamais entendu Chantal me dire qu’elle était un peu architecte ou ingénieur agronome. Moi-même, lorsque je croise mon voisin, je ne lui dis pas que je suis un peu plombier parce que j’ai réussi à déboucher l’évier de la cuisine avec une ventouse. Par contre, il n’y a rien à faire, lorsque l’on est dans un travail un tant soit peu à visée sociale ou dans le soin, c’est comme si chacun avait sa propre expertise, qui vient minimiser les connaissances de métiers souvent bien techniques.

"Mes clients me confient leur vie, mais je fais leurs cheveux en même temps" 

Que vous soyez kiné – ou masseur, finalement, c’est quoi la différence  ? –, assistant social, infirmier, logopède ou psychologue, il y aura toujours un être humain qui viendra vous renvoyer à un syndrome d’imposture.

Florilèges de commentaires  : "Ça va, mon fils est dyslexique et TDAH, je m’en suis chargé, c’est par pour autant que j’en ai fait un métier.", "Oui, moi je me suis occupé de ma mère souffrante, je pourrais pas faire ça à temps plein.", et bien évidemment, le classique  : "Tu sais, moi, mes clients, ils me confient leur vie, mais je fais leurs cheveux en même temps ."

Je me suis demandé, du coup, pourquoi la plupart des gens ont ce besoin de venir nous renvoyer qu’eux aussi, ils ont des qualités émotionnelles   ? C’était un peu comme si l’autre avait peur que, de par ma formation, je venais les déposséder de toutes qualités humaines. Finalement, seraient-ce les psy qui s’approprient les qualités d’écoute, en renvoyant que le quidam, lui, ne sait pas le faire  ? Soyons rassurés, les psy n’ont pas le monopole de l’empathie. Être psychologue clinicien, c’est bien plus complexe, me semble-t-il.

En conclusion, j’ai le sentiment que mes études m’ont apporté un bagage solide dans la prise en charge de la détresse humaine. N’en déplaise aux autres, je crois sincèrement que ce n’est pas l’apanage du psychologue et que tout un chacun à des qualités et je ne voudrais pas leur renvoyer qu’ils ne sont pas compétents. Mais si on pouvait un peu lâcher la grappe aux psy, vraiment, ça nous permettrait d’être un peu plus à l’aise sur le trottoir de l’école.

T. Persons

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