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Chronique d’un psy : « Une overdose de position basse »

28/03/23
Chronique d'un psy : « Une overdose de position basse »

Alors qu’elle fait partie intégrante de la posture du psychologue clinicien, T. Persons s’interroge sur la sacrosainte attitude adoptée en consultation : la position basse.

Les bras ouverts, la tête qui penche légèrement, hochant de bas en haut à un rythme régulier – pour les non-initiés, il suffit de suivre le rythme d’Highway to Hell d’AC/DC, c’est le plus évident. Vous rajoutez une bonne dose de silence, ponctué de phrases courtes reflétant l’état émotionnel de votre interlocuteur, lui signifiant que vous êtes à sa disposition, présent à l’écouter et ça y est ! Vous êtes en position basse ! Félicitations.

On est bien d’accord, c’est beaucoup plus complexe et subtil que ça, et même s’il y a des moments où l’on prend l’ascendant, où l’on est en position haute, il faut bien être conscient que le psy passe le plus clair de son temps à écouter et à être entièrement disponible pour l’autre. C’est valable durant l’entretien, mais en dehors de celui-ci également. Lors de la prise de rendez-vous, juste avant et après l’entretien, et dans tous les échanges. Dans notre quotidien, on écrase, on essaye de résoudre les éventuels couacs de communication en se faisant tout petit, gentil, compréhensif et bienveillant. Souvent, c’est utile, adéquat, nécessaire. Et puis, il y a d’autres patients qui en abusent, et là…

Il faut être honnête, la position basse, aussi confortable soit-elle, génère en moi bien des frustrations. Sous ma parure professionnelle, parsemé d’éthique et de déontologie, se cache un être humain qui, de temps à autre, ronge son frein, tente de ne pas exprimer sa colère ou son indignation et de rester le plus courtois possible. Et je crois que c’est assez semblable pour la plupart de mes consœurs et confrères.

"Quand l’autre tente de vous manipuler, de vous humilier, quel ton adopter ?"

Mais finalement, on en fait quoi de cette frustration ? Quand on n’arrive pas à arrêter le patient logorrhéique alors qu’on lui a signifié trois fois la fin de la séance, mais qu’il se lance avec véhémence dans un récit qui annonce ni plus ni moins qu’une belle diarrhée verbale ? Quand le patient vous dit qu’il va payer, mais qu’il ne paye pas ? Qu’il vous insulte parce que vous n’êtes pas suffisant·e ? Qu’il va se plaindre à votre hiérarchie ? Quand l’égo du patient – vous noterez, c’est rarement une patiente – est touché et qu’il vous fait la misère espérant y rejouer un rapport de domination, parce que les résultats d’un test d’intelligence ne lui ont pas nécessairement plu ? Des exemples, j’en ai plein. La plupart du temps, je les résous à coups de position basse, en expliquant les choses, en étant le plus empathique, sympathique et aimable, même si, au fond de moi, si je devais écouter mon for intérieur, j’irais pisser sur leur arbre généalogique.

Et puis, à certains moments, ne devrait-t-on pas dire qu’il y a une limite à la position basse ? Notamment, quand en face, l’autre n’est plus dans un rapport de thérapie où il vient voir un psy ? Quand l’autre tente de vous manipuler, de vous humilier, quel ton adopter ? Certes, on garde son urine pour soi ou pour les toilettes, mais finalement, n’est-il pas sain de mettre une limite claire, quitte à passer pour quelqu’un de plus sec, d’antipathique ou de désagréable ?

En conclusion, on peut suggérer qu’un excès de position basse entraîne de temps à autre un afflux de frustration et de colère. Il est évident qu’il n’est que rarement d’usage, en tant que psy, d’exprimer cette frustration ouvertement. Malgré tout, on peut se poser la question : qu’en fait-on, en dehors d’en écrire des chroniques ?

T. Persons

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Commentaires - 1 message
  • A propos de la position basse, ça vaut la peine d'aller voir les vidéos d'Andolfi travaillant avec des familles, c'est très libérateur!!
    Merci pour vos chroniques, j'apprécie vraiment le ton libre, les interrogations et les coups de gueule.
    je m'y retrouve tout à fait!

    Tante Didi jeudi 30 mars 2023 12:09

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