Bienveillant, le secteur des soins ?
Je suis éducatrice spécialisée depuis presque 20 ans. Marion est infirmière depuis presque 40 ans. Entre nous, une génération d’écart et un constat : certains secteurs manquent cruellement de bienveillance. Attention, ça pique…
Marion a principalement travaillé dans le secteur pharmaceutique, mais elle a également exercé, et exerce encore, dans le secteur des soins : en maison de repos et à domicile. Personnellement, j’ai travaillé dans le secteur social au sens large. Au fil de nos échanges, nous en sommes arrivées à nous questionner sur la bienveillance et sa place dans nos secteurs de travail.
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Bienveillance dans le secteur des soins ?
Marion a exercé de nombreuses fonctions dans le secteur des soins : d’abord stagiaire, elle a également été infirmière, infirmière en chef et infirmière coordinatrice. Pour elle, le constat est sans appel et les choses n’ont que peu évolué en presque 40 ans : "Le secteur des soins manque d’humanité, aussi dans les équipes. Il y a beaucoup de médisances, de pratiques de harcèlement. Par exemple, les stagiaires sont traités comme de la merde, encore aujourd’hui. À mon époque c’était déjà comme ça. Je ne comprends pas comment on peut traiter les stagiaires de la sorte. Elles sont là pour apprendre, c’est à nous de les former et de les accueillir. Quand j’étais coordinatrice, je n’aurais jamais accepté ça de mon personnel. Une de mes nièces, étudiante infirmière, est actuellement en stage et malmenée par une infirmière à peine plus âgée qu’elle qui lui a expliqué ceci : "Quand j’étais stagiaires on m’a traitée comme ça, donc il n’y a pas de raison que je sois plus gentille". Le décor est planté."
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Personnellement, j’ai été témoin de ce type d’agissements en tant que patiente et j’ai entendu plusieurs récits allant dans ce sens.
Assurer sa survie dans un milieu hostile
Dans le secteur social, j’ai aussi vécu ce genre de situations. Pas nécessairement de la maltraitance envers des stagiaires, mais des pratiques de harcèlement, ou encore de grosses tensions non résolues au sein des équipes, et qui finissent par dégénérer, notamment avec des désignations de boucs émissaires. Finalement, les dynamiques de groupes sont assez similaires partout. Lorsque le milieu est hostile, tout un chacun se charge de mettre, consciemment ou non, en place les stratégies nécessaires à sa survie. Et en général, la survie passe par l’intégration dans le groupe majoritaire, quel qu’en soit le prix. Par ailleurs, les pratiques de management se répercutent sur les relations entre les membres de l’équipe, c’est inévitable.
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Rudesse des pratiques de management
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’un autre point commun entre les expériences de Marion et les miennes, c’est le paradoxe entre la rudesse des pratiques de management, et donc l’hostilité du milieu et l’objectif du secteur, à savoir le soin au sens large. Marion clame que le secteur des soins manque d’humanité dans la gestion du personnel et je la rejoins en ce qui concerne le secteur social.
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Nos gestionnaires ne sont pas nécessairement formés aux bonnes pratiques, à l’instar de cette responsable qui, une semaine après le décès de son fils, lui a tout bonnement demandé : "Qu’est-ce que tu vas devenir ? Tu crois que tu seras encore capable de travailler ? Tu vas prendre un mi-temps médical ?". J’avais vécu une situation similaire après le décès de mon père, avec en outre de grosses pressions pour que je reprenne le travail au plus vite.
Vers plus de bienveillance
Plus de bienveillance est possible. Après tout, éducateurs, travailleurs sociaux, infirmiers, nous avons aussi comme point commun de vouloir aider l’autre, donc de porter en nous les graines de cette bienveillance dont nous avons également besoin.
Pour Marion, le problème c’est "le manque de considération au sens large, le manque de reconnaissance. Les patients, les résidents sont mieux traités que le personnel " et je la rejoins sur ce point. D’autres modèles existent, des lieux de travail où il fait bon vivre, où la bienveillance envers le personnel est de mise, avec un net impact sur l’ambiance dans les équipes de travail. Prenons par exemple certaines structures en autogestion…
MF - travailleuse sociale
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