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Chronique d’un psy : « La collégialité entre psy »

17/04/23
Chronique d'un psy : « La collégialité entre psy »

Alors que la question de la santé mentale est devenue un enjeu majeur pour notre société, et que l’on met de plus en plus les psychologues clinicien·ne·s en lumière, T. Persons s’interroge  : et si l’ennemi du psy était simplement sa consœur ou son confrère  ?

À l’époque, du temps où l’on se disait qu’on faisait un geste écologique en conduisant une voiture à essence, plutôt qu’un diesel polluant, je me souviens qu’il y avait déjà une forme de compétition entre les étudiants en psychologie clinique. Et ça se tirait dans les pattes pour avoir le meilleur stage ou pour dénicher le promoteur le plus inaccessible, celui qui n’acceptait qu’un mémorant par an et qui en jouait allègrement façon ticket d’or dans une barre de chocolat comme un Willy Wonka à la sauce freudienne.

Vous me direz, c’est un peu comme ça partout. On se souvient des histoires légendaires, que l’on se racontait à l’ombre d’un arbre durant une pause clope entre deux cours – parce qu’on pensait que fumer des cigarettes roulées, c’était moins industriel, plus bio et donc, moins nocif – comme quoi, il y aurait des résumés de cours truffés de fautes intentionnelles en première année de faculté de médecine afin d’induire en échecs les étudiants les moins aguerris. Certes, entre eux, les étudiants peuvent être aussi cordiaux que lors d’un concours de beauté entre adolescentes au fin fond du Nebraska, mais il y avait malgré tout, une certaine camaraderie, un sentiment d’entraide.

« C’est comme si, entre psy, il était de bon ton de renvoyer l’incompétence des autres… »

Puis, passées les études, il y a un autre sentiment qui, généralement, s’installe entre confrères et consœurs  : la collégialité. De mémoire, je n’ai jamais entendu un médecin jacter sur un autre. Ou alors, il faut vraiment que ce soit un ami, ou alors, il faut vraiment qu’il ait dépassé les deux grammes d’alcool dans le sang. Il y a, dans certaines professions de soins de santé, une sorte de pacte  : on ne balance pas d’horreur sur un ou une collègue, même si c’est une vraie poire. Vous ne verrez jamais un médecin dire qu’il vaut mieux éviter d’aller chez tel chirurgien parce qu’il a tendance à confondre le scalpel et le couteau à beurre ou chez telle anesthésiste parce qu’elle connait un peu trop bien ce qu’elle administre.

Et chez les psy  ? C’est la guerre  ! Collégialité  ? Entraide  ? Bienveillance  ? Code de bonne conduite  ? C’est comme si, entre psy, il était de bon ton de renvoyer l’incompétence des autres… Foutaises, me direz-vous, scandalisés face à un constat qui demande à être étudié en profondeur. Alors, certes, il y a des psy qui font preuve de retenue face à leurs collègues, mais dans la plupart des cas, faites l’expérience  : demandez à un psy s’il peut vous renvoyer spontanément vers un ou une consœur et observez bien la réaction. Soit, vous verrez dans ses yeux passer l’effroi. Soit, il vous orientera vers une à deux personnes de référence, comme s’il n’existait qu’eux sur terre. La plupart du temps, si l’on fait la même expérience avec un médecin, il vous dira qu’il peut vous renvoyer vers une personne particulière si le problème est vraiment très spécialisé, mais qu’en général, l’ensemble des médecins sont compétents.

En conclusion, on pourra me reprocher de noircir le trait, et de ne pas assez mettre en évidence le nombreuses situations collégiales où les psychologues s’entraident en toute bienveillance. Certes, nous n’avons pas de code d’honneur, ni de poignée de main secrète. Est-ce le prix pour être autonomes intellectuellement et complètement libres  ? Ou finalement, même sortis des études, on doit toujours se battre pour trouver notre place parmi d’autres  ? Trop concurrentiel, le secteur de la psycho  ? Et si on y remédiait  ! Comment  ? En proposant une année de stage supervisé à la sortie des études avec dix places pour deux cents étudiants  ? Ah non…

T. Persons

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