Educ, infirmière : quel accompagnement des personnes âgées et en fin de vie ?
Justine est éducatrice spécialisée depuis 8 ans. Elle a notamment travaillé en maison de repos. Manon, quant à elle, a 60 ans et est infirmière. Elle a un parcours professionnel riche et fourni, avec plusieurs expériences en maison de repos. Avec elles, j’ai abordé la question de l’accompagnement des personnes âgées, un sujet qui était pour moi presque tabou lorsque j’ai suivi mes propres études d’éduc, il y a presque 20 ans.
Accompagner la vieillesse quand on est jeune
Selon Justine, le rôle de l’éducateur en maison de repos est très particulier : "Avec les personnes âgées, on n’est plus dans une logique de transmission, d’apprentissage, ce sont des personnes qui ont un vécu de vie 3 fois plus important et plus long que le mien ! Travailler avec eux, c’est travailler avec des gens qui savent qu’ils vont mourir, qu’ils sont sur la fin, c’est travailler avec la mort, c’est un secteur qui fait peur mais pourtant ça apporte beaucoup d’humilité, de douceur, parfois de lenteur. Les activités n’ont pas le même objectif, c’est plutôt du lien social, être une présence pour les personnes, les aider à vivre plus confortablement, accepter la lenteur."
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Personnellement, lorsque j’étais jeune étudiante et jeune travailleuse, je n’aurais pas pu envisager de travailler avec des personnes âgées. La vieillesse, la lenteur, la mort, tout ça m’était vraiment trop étranger et, oui, me faisait peur. Aujourd’hui, j’ai un peu plus de bouteille, d’expérience de vie, j’ai connu le deuil de parents proches, la maladie, et je me sentirais capable d’endosser ce rôle qui, finalement, demande beaucoup d’humilité et de vulnérabilité.
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Manon, qui a voulu se spécialiser en soins palliatifs partage mon sentiment : "Je n’aurais pas été capable de travailler en soins palliatifs lorsque j’ai commencé à travailler. J’ai beaucoup changé depuis le début de ma carrière. Je me sens plus à l’aise avec les années, l’expérience de vie. J’ai constaté que certains jeunes sont aussi à l’aise avec ça, ceux qui ont vécu avec leurs grands-parents, qui ont côtoyé la vieillesse, la maladie, la mort. Ce qu’on ne connaît pas fait peur, y compris la vieillesse. Quand on ne l’a pas côtoyée ça fait peur, car c’est aussi un miroir, un miroir déformant."
L’accompagnement de la fin de vie
Manon relève que "Maintenant on accompagne les gens en fin de vie, avant on ne le faisait pas, on les laissait littéralement mourir dans un coin. Aujourd’hui, il y a des services spécialisés qui font un lien avec la famille et les autres intervenants en soins de santé. Il y a un accompagnement pour la douleur, éviter la souffrance, rassurer la famille. L’idée est que la personne ne doit pas souffrir, que la famille soit rassurée. Il y a un grand respect de la fin de vie qu’il n’y avait pas du tout avant. Par exemple, dans certaines maisons de repos, le personnel fait des toilettes mortuaires, il y a une mise en scène de la personne décédée pour lui rendre sa dignité avant la visite de sa famille, c’est un beau pas en avant."
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Personnellement, je trouve beau et doux d’accompagner de mieux en mieux la fin de vie. Certaines personnes n’ont pas peur de mourir, elles sont en paix, mais pour d’autres, ce n’est pas le cas. Les familles aussi sont en proie à des émotions terriblement fortes, et il faut pouvoir accompagner tout cela dans la bienveillance, le respect et la douceur. Pour l’avoir vécu, on se rappelle longtemps des derniers instants d’êtres chers, et l’accompagnement par les professionnels fait partie de ces souvenirs.
MF - travailleuse sociale
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