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Chronique d’un psy : « Les bonnes résolutions »

09/01/23
Chronique d'un psy : « Les bonnes résolutions »

Alors que 2023 vient tout juste de commencer, T. Persons s’interroge sur un impondérable de la nouvelle année : les bonnes résolutions.

Il est d’usage de présenter ses vœux pour la nouvelle année. Je me suis toujours demandé s’il s’agissait d’une énième injonction de la société à laquelle on doit se soumettre, comme les impôts ou un nouvel album de Patrick Bruel, ou si c’était plutôt la traduction d’une volonté de présenter aux autres une liste d’envies comme un enfant passe commande auprès du Père Noël. On ne va pas se mentir, il y a, dans les vœux pour la nouvelle année, quelque chose de magique, comme si verbaliser tout haut quelque chose que l’on aimerait voir se réaliser le rendait plus concret. Il en va de même pour les bonnes résolutions, finalement.

Cela m’a profondément questionné. Si je devais faire l’exercice pour la profession de psychologue clinicien, quelles seraient mes bonnes résolutions ? Qu’est-ce que l’on pourrait changer dans notre quotidien qui ferait de nous de meilleures personnes ? Il y a certes des détails qui viennent à l’esprit : bloquer son agenda pour ne plus être débordé de patients ? Éventuellement prendre le temps de faire plus de pauses ? Faire plus de supervisions ? Me respecter un peu plus, apprendre à dire non et ne plus culpabiliser quand je prends une semaine de congé ? Tout cela me parait bien trivial. On sait tous qu’il suffira d’un pet de vent pour que les habitudes bien ancrées reviennent au galop.

Les poches pleines de bonnes résolutions déchues...

Pourquoi est-il difficile de tenir les promesses que l’on se fait ? Tout d’abord, parce que changer demande une motivation intrinsèque. Il faut que cela ait du sens, sinon ça reste un vœux pieu. J’ai toujours trouvé le concept un peu facile : il suffit d’écrire sur un bout de papier ses bonnes résolutions pour qu’elles trouvent un sens d’elle-même et qu’elles s’implémentent et prolifèrent dans notre quotidien comme le mérule sur une vieille charpente. Il y a peu, j’étais sur les réseaux sociaux à regarder une publicité anodine – bien que l’on n’arrive jamais vraiment là par hasard – qui vantait les mérites d’une psychologue. La photographie était magnifique, tous les clichés de notre profession y étaient et en guise de commentaire on pouvait lire : « If you can dream it, you can do it ». Vraiment ? Ça fonctionne ce genre de chose ? À la manière d’une bonne résolution, il suffit de rêver ce que l’on veut pour l’obtenir ?

Soit je suis complètement à côté de la plaque, soit je me dis que de telles publications sont à l’image des vœux et des bonnes résolutions : aussi approprié que Vianney qui reprendrait « What a wonderful world » lors d’une représentation dans un camp de réfugiés. Vous avez le droit de me traiter de défaitiste, de rabat-joie ou de vieux con cynique, mais je me questionne pleinement : que fait-on de tous ces patients qui vont arriver les poches pleines de bonnes résolutions déchues, qui vont nous dire que ça ne fonctionne pas ? On leur demande de le rêver plus fort ? On réoriente vers un ou une collègue adepte des haïkus ou slogan foireux qui va gonfler à bloc les attentes de nos futurs patients ? Ou alors, on décide que ça va être long, pénible certainement, mais qu’avec pugnacité, on peut accepter, on peut changer, on peut obtenir des résultats dont on sera fiers ?

En conclusion, j’ai décidé de ne pas me lancer dans la grande loterie des vœux, ni des bonnes résolutions. Je ne vous souhaiterai pas de rêver votre vie en couleur, je ne chanterai pas de chanson dégoulinante en demandant aux professionnels de la santé de mon cabinet de se donner la main pour se donner plus de « bonne énergie ». Je peux éventuellement vous dire que 2023 est dans la continuité de 2022 : prenez soin de vous, des autres et surtout, soyez attentifs, on n’est jamais à l’abri d’un nouvel album de Patrick Bruel.

T. Persons

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