Educ, infirmière : quelles conditions de travail en maison de repos ?
Justine est éducatrice spécialisée depuis 8 ans. Elle a notamment travaillé en maison de repos. Marion, quant à elle, a 60 ans et est infirmière. Elle a un parcours professionnel riche et fourni, avec plusieurs expériences en maison de repos. Pour l’une comme pour l’autre, les conditions de travail sont loin d’y être idéales…
Un secteur en souffrance
"Le secteur du soin est en souffrance, il y a un énorme manque de personnel, de grosses tensions, ça se ressent, c’est difficile de travailler dans cette atmosphère ", confie Justine.
Et de développer : "En plus, les maisons de repos sont des entreprises, avec une logique de rentabilité, donc une optique totalement différente des autres secteurs où travaillent les éducs. Ça aussi ça pèse. Il y a toute la problématique de l’éduc qui remplace parfois les soignants pour les toilettes et autres. On est tiraillé entre le fait de rendre service, d’aider ses collègues et celui de prendre sa place d’éduc, en sachant que si on accepte une fois, on devra continuer à le faire."
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De son côté, Marion ne mâche pas ses mots : " Le secteur des soins manque d’humanité. Il y a un report des responsabilités en cascade, beaucoup de médisances dans les équipes et peu de sororité. De la part des directions, il n’y a pas ou peu de solutions pour améliorer le confort des travailleurs. En fait, on accorde peu de considération aux travailleurs, on écoute les solutions qui les mettent en cause plutôt que celles qui demandent une vraie remise en question et ce, malgré la pénurie de personnel. Il y a énormément de pratiques de harcèlement et peu de soutien. J’ai été infirmière, infirmière en chef et infirmière coordinatrice en maison de repos et le constat a été le même à tous ces échelons."
L’hémorragie des professionnels et la question de la reconnaissance
Pour Justine, "Le barème IFIC n’a pas aidé, surtout pour les infirmiers spécialisés, dont la spécialité n’est pas valorisée. Pour les autres professions, comme moi en tant qu’éduc, ce barème est avantageux, mais pas du tout pour les infirmiers. D’ailleurs, beaucoup de soignants quittent le secteur et sont parfois remplacés par des paramédicaux, aussi pour des questions de profit. Les choses dépendent tout de même fortement d’une maison de repos à l’autre, certaines structures sont plus attentives."
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Marion pense " qu’on prend soin des résidents beaucoup plus que du personnel, ce qui est absurde car si le personnel se sent bien, les résidents seront mieux."
Elle suit une formation pour obtenir la qualification en soins palliatifs et relève : "Le premier problème n’est pas le salaire, mais la considération du personnel. Il faut plus de personnel et il faut les traiter mieux. La plupart des gens deviennent infi parce qu’ils ont envie d’aider et la première difficulté qu’ils rencontrent, c’est le manque de reconnaissance, on en parlait justement lors de ma formation."
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C’est certain qu’entre manque de reconnaissance, cadences infernales, sous-effectif chronique, allongement de la durée des études et limitation de la valorisation des spécialisations, on comprend mieux l’hémorragie des professionnels de la santé…
Ce que j’aurais aimé qu’on me dise
"Il faut accepter de faire une part de soins, de manutention, de toilettes. C’est pratiquement inévitable. Il faut aussi savoir que c’est un secteur sous tension et que ça va le rester encore longtemps.", estime Justine.
Marion, quant à elle, n’encourage personne à faire des études d’infirmière à l’heure actuelle. "En presque 40 ans, les conditions de travail n’ont pas changé. Beaucoup de médecins te voient comme leur mandaï, les familles t’engueulent dès qu’il y a un petit grain de sable, tu n’as pratiquement pas de merci. Il faut être bien ancré et se raccrocher à son pourquoi, mais ça ne suffit pas toujours."
MF - travailleuse sociale
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